Partenariat Côte d’Ivoire-Union européenne/Francesca Di Mauro: "L’Union européenne contribue à la paix et à la prospérité en Côte d’Ivoire"

Francesca Di Mauro de L’Union européenne en Côte d’Ivoire (Photo DR)
Francesca Di Mauro de L’Union européenne en Côte d’Ivoire (Photo DR)
Francesca Di Mauro de L’Union européenne en Côte d’Ivoire (Photo DR)

Partenariat Côte d’Ivoire-Union européenne/Francesca Di Mauro: "L’Union européenne contribue à la paix et à la prospérité en Côte d’Ivoire"

Le 31/12/24 à 12:35
modifié 31/12/24 à 17:55
La diplomate européenne dévoile les initiatives prises par l'Union pour renforcer la sécurité et promouvoir la paix en Côte d'Ivoire, l'ambassadrice revient par ailleurs sur les actions initiées pour l'employabiliyé des jeunes 
Pourquoi l’Union européenne met-elle un accent particulier, ces dernières années, sur la lutte contre le terrorisme ?

La lutte contre le terrorisme fait partie des axes dans lesquels nous sommes actifs actuellement. Depuis 2019, outre les pays du Sahel où il sévit, le terrorisme menace le Nord de la Côte d’Ivoire. Ainsi, les autorités ivoiriennes ont pris l’initiative de créer ce qui est appelé "La zone opérationnelle Nord" comme pour contrer cette menace, une sorte de bouclier. En tant que partenaire de la Côte d’Ivoire, l’Union européenne a décidé de l’accompagner dans cette lutte puisque l’insécurité est un frein au développement d’un pays, fait fuir les investisseurs et réduit l’activité économique. Ni l’Union européenne, ni la Côte d’Ivoire n’ont intérêt à ce que l’insécurité s’installe. L’accompagnement de la Côte d’Ivoire entre dans une stratégie globale de l’Union européenne d’appuyer tous les pays du Golfe de Guinée, notamment le Bénin, la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Togo qui sont tous sous la menace du terrorisme. Notre appui à la Côte d’Ivoire renforce les capacités des Forces armées de Côte d’Ivoire et la gendarmerie nationale.

Quels sont les initiatives et projets déjà financés dans ce sens par l’Union européenne ?

L’Académie internationale de lutte contre le terrorisme de Jacqueville était, au début, une initiative franco-ivoirienne lancée par le Président Alassane Ouattara et le Président Macron en 2017. En 2021, elle a été présentée à toute la communauté internationale à Paris lors de la table ronde organisée pour appuyer cette académie. A cette occasion, l’Union européenne a décidé d’apporter une contribution d’environ 10 millions d’euros pour soutenir l’Académie de Jacqueville. Elle repose sur trois piliers : la formation opérationnelle de lutte contre-terroriste des officiers et des forces spéciales ; un volet civil destiné aux juges et à la police qui s’occupent des crimes liés au terrorisme, et un centre de recherche sur la radicalisation et sa prévention. La gestion de ces crimes est différente de celle des crimes courants, ordinaires. L’académie permet l’entraînement des forces spéciales dans un environnement qui simule des vraies situations, comme se battre dans un village sahélien ou dans de la végétation dense. Au Centre de recherche, on y étudie les comportements anthropologiques des terroristes, comment ils s’implantent et se mêlent aux communautés, interagissent avec les agriculteurs, les éleveurs. En parallèle, il faut étudier les stratégies qu’ils utilisent pour recruter, radicaliser et instrumentaliser les personnes. Cette académie étant vraiment unique en son genre, nous nous sommes engagés à l’appuyer. De plus en plus, des partenaires européens se joignent à l’initiative. A présent, nous travaillons pour que davantage de pays africains partagent leurs expériences et expertises dans la lutte contre le terrorisme, et puissent contribuer concrètement.

Quelles sont les retombées attendues, notamment en Côte d’Ivoire et avec ses pays frontaliers ?

La dernière attaque en Côte d’Ivoire remonte à trois ans. Preuve que cette Zone opérationnelle Nord fonctionne bien et est très efficace. Par ailleurs, on apprend de plus en plus dans la presse que des réseaux de terroristes sont démasqués. La capacité d’investigation a été renforcée. Ce fut le cas, récemment, d’un réseau de l’Etat islamique qui se constituait. Les investigations ont permis de saisir des téléphones, des armes. Encore une fois, c’est la preuve que le dispositif mis en place est efficace.

Avez-vous des initiatives en appui ?

L’Union européenne est de plus en plus un acteur de coopération sécuritaire fiable. Elle contribue à la paix et à la prospérité en Côte d’Ivoire. Nous avons des projets dans le Nord, particulièrement en appuyant la Gendarmerie nationale et les Forces armées de Côte d’Ivoire en termes de construction d’infrastructures. Ainsi, à Ferké, Papara et Korhogo, nous avons construit, réhabilité et équipé des brigades et postes de Gendarmerie, les avons dotés de moyens logistiques (pickups, motos, etc.), mais aussi aménagé la maison de protection et de confiance de la famille. En ces endroits, les victimes peuvent, en toute confiance, venir et expliquer aux gendarmes leurs préoccupations pour une meilleure prise en charge. Par ailleurs, dans le cadre de notre mécanisme appelé Facilité européenne de la paix, nous fournissons des équipements militaires afin de renforcer les capacités des Forces de défense et de sécurité. En outre, nous avons une initiative appelée Sécurité et défense pour les pays du Golfe de Guinée. Elle est mise en œuvre par des conseillers dont deux, ici à la Délégation de l’Union européenne, qui sont à l’écoute des besoins des autorités ivoiriennes et les font remonter à Bruxelles, afin d’activer des experts européens.

L’employabilité des jeunes est une priorité pour le gouvernement, comment l’Union européenne accompagne-t-elle la Côte d’Ivoire dans ce sens ?

L’employabilité des jeunes est primordiale pour le gouvernement en ce sens que 300 000 jeunes arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Pour résoudre le problème, nous agissons sur plusieurs domaines. Après des études universitaires, beaucoup de jeunes ne trouvent pas d’emploi. Pendant ce temps, au sein du secteur privé, il y a un grand besoin de mécaniciens, d’informaticiens, etc. Il faut donc que la jeunesse prenne au sérieux la formation professionnelle, car elle est plus à même de fournir des débouchés d’emploi. En premier lieu donc l’Ue accompagne plusieurs lycées professionnels, dont celui de Yopougon. J’ai visité ceux de Korhogo et bien d’autres localités. Nous accompagnons les jeunes à apprendre des métiers pratiques leur permettant de travailler soit dans des entreprises ou s’installer à leur propre compte. En deuxième lieu, nous travaillons sur la question de l’accès au financement après qu’ils aient créé leurs propres entreprises. Nous les aidons à obtenir des prêts via des banques locales comme Ecobank, Baobab, pour lesquelles nous fournissons des garanties. Si ces prêts ne sont pas remboursés, nous intervenons à travers notre garantie. Ceci permet aux banques de prendre plus de risques et d’aller vers les secteurs qu’ils connaissent très peu. Par ailleurs, nous accompagnons les jeunes entrepreneurs dans des formations en marketing, à préparer un business plan voire dans le volet recrutement. Nous avons un autre programme dédié à la mobilité légale entre la Côte d’Ivoire et la Belgique: nous envoyons pendant quelques temps de jeunes entrepreneurs s’inspirer des méthodes d’entreprises européennes à l’expertise avérée, qu’ils vont ensuite répliquer à leur retour en Côte d’Ivoire. Nous agissons également dans des secteurs porteurs d’emplois tels que la transformation agricole ou le digital. Nous avons par exemple lancé un projet pour appuyer les coopératives, les femmes entrepreneures dans les secteurs du vivrier, des légumes et du manioc pour amener les populations à consommer davantage de produits locaux. C’est pourquoi, nous encourageons les jeunes à s’intéresser à l’agriculture qui est, aujourd’hui moderne et innovante. Plus généralement concernant les jeunes, nous avons mis en place un groupe de jeunes qu’on appelle Youth Sounding Board. Ce sont 21 jeunes venus de partout en Côte d’Ivoire et qui travaillent avec la Délégation de l’Union européenne pour élaborer un plan d’action de leur engagement ; nous allons aussi co-créer avec eux un nouveau projet jeunesse. Je les rencontre régulièrement car la jeunesse est impliquée dans tout ce que nous faisons.

Pouvez-vous, Excellence, faire le point sur la coopération diplomatique et économique entre l’Union européenne et la Côte d’Ivoire ?

Depuis 1961, date d’établissement de nos relations diplomatiques, l’Union européenne a toujours été aux côtés de la Côte d’Ivoire ; tant dans les bonnes périodes que celles de crise. En termes économiques, nous sommes le premier partenaire commercial (exportations et importations) de la Côte d’Ivoire et le premier investisseur. Quand on parle d’investisseurs, on pense tout de suite aux Français. Mais il y a beaucoup d’autres investisseurs (Italiens, Belges, Allemands, etc.). Nous avons une stratégie appelée Global Gateway, qui est une offre d’investissements dans les secteurs porteurs tels que les infrastructures de transports, le digital (câbles sous-marins, connexions), les énergies renouvelables, l’éducation, la santé et la recherche. Global Gateway est un programme mondial de 300 milliards d’euros dont 150 milliards dédiés à l’Afrique. La Côte d’Ivoire bénéficie déjà de cette stratégie, via des projets sur les corridors Abidjan-Lagos, Abidjan-Dakar et Abidjan-Ouagadougou (ligne de chemin de fer). Nous allons développer ce secteur qui peut contribuer à l’écoulement des produits agricoles. Nous sommes aussi très actifs dans le secteur de l’énergie renouvelable, et avons cofinancé la 1ère centrale solaire de Boundiali. Grâce aux opportunités offertes par l’économie ivoirienne, des investisseurs européens pourraient venir s’implanter en Côte d’Ivoire parce que les infrastructures sont de bonne qualité et ainsi transférer leurs expertises et technologie aux Ivoiriens. Nous travaillons étroitement avec le secteur privé ivoirien pour voir quels sont ses besoins et renforcer notre coopération.

L’Union européenne fait face à de la désinformation. Quel commentaire en faites-vous pour ce qui concerne la Côte d’Ivoire ?

Dans certains pays, la désinformation est très forte contre l’Union européenne. Heureusement, nous jouissons en Côte d’Ivoire d’une image positive. Les usagers des réseaux sociaux ont une responsabilité personnelle quant à la vérification de la fiabilité des sources d’information. Les journalistes ont aussi un grand rôle à jouer. Nous allons travailler avec les médias et les appuyer dans ce domaine, notamment en vue du processus électoral qui arrive, avec une désinformation qui peut amener des discours de haine et des violences. C’est pourquoi, nous avons apprécié les campagnes lancées récemment par le ministre de la Communication contre la désinformation.

Interview réalisée par


Le 31/12/24 à 12:35
modifié 31/12/24 à 17:55