Noix de cajou/Mohamed Touré (Pca de Scseci-Coop) : « La transformation locale est la clé pour augmenter les revenus de nos producteurs »
À l'aube de la campagne 2025 de commercialisation de l'anacarde, Mohamed Touré, président du Conseil d'administration de la Société coopérative Sênêkêla émergent (Scseci-Coop), spécialisée dans la chaîne de valeur du cajou, partage la vision et les projets de sa structure.
Présentez-nous la société coopérative que vous dirigez.
La Société coopérative Sênêkêla émergent, en abrégé Scseci-Coop, se consacre à la production, la commercialisation, l’exportation et la transformation de divers produits agricoles, notamment l’anacarde. Elle est née de la volonté de plus de 600 producteurs de cajou de la région du Worodougou d’unir leurs forces pour améliorer leurs conditions de vie et de travail, tout en se positionnant favorablement sur les marchés nationaux et internationaux. Aujourd’hui, nous exploitons un potentiel de 4 476 hectares d’anacardiers pour une production annuelle de 2 462 tonnes.
Comment envisagez-vous la campagne 2025 qui s’annonce ?
Malgré les défis rencontrés lors des précédentes campagnes, nous abordons celle de 2025 avec optimisme, grâce à l’engagement des autorités à permettre aux producteurs de tirer pleinement profit de leur travail. Nous espérons que le Conseil Coton-Anacarde fixera un prix attractif. Quant à la Scseci-Coop, nos producteurs sont prêts et mobilisés.
Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?
Bien que la Côte d’Ivoire soit le premier producteur mondial de noix de cajou avec plus de 1,2 million de tonnes en 2023, la productivité reste faible : les rendements oscillent entre 450 et 550 kg par hectare, loin de la moyenne mondiale de 1 200 kg. Il est également urgent d’adopter des pratiques agricoles durables pour prévenir les critiques liées à la déforestation, comme ce fut le cas pour le cacao.
Sur le plan de la commercialisation, les contrôles inefficaces favorisent l’émergence d’un marché noir où des acheteurs peu scrupuleux exploitent les paysans en difficulté avec des prix dérisoires. Enfin, le financement bancaire de la filière reste insuffisant.
Comment minimiser ces impacts négatifs pour vos membres ?
Il est crucial d’assouplir les règles pour permettre aux coopératives d’intervenir sur toute la chaîne de valeur, notamment l’achat, l’exportation et la transformation. Nous croyons que la première transformation et la valorisation des sous-produits sont essentielles pour augmenter les revenus des producteurs.
Dans cette optique, dès mai 2025, nous lancerons un projet de transformation de proximité avec une approche innovante garantissant des revenus additionnels pour nos membres.
En quoi ce projet de transformation est-il innovant ?
Notre modèle repose sur une adhésion volontaire : les membres apportent une partie de leur récolte à l’unité de transformation, et sont payés après la vente des produits finis. Ce système garantit un approvisionnement continu en noix de cajou.
Selon des études, la transformation d’un kilogramme de noix en amande génère un bénéfice net de 300 à 350 FCFA. De ce montant, 43 % reviendront aux producteurs, 12 % à la coopérative et 45 % aux actionnaires souscripteurs. Cela représente un gain supplémentaire de 130 à 150 FCFA par kilogramme pour les producteurs. Nous débuterons avec une capacité de 480 kg par jour, soit 72 tonnes en six mois, ce qui équivaut à 3 % de notre production.
Comment financez-vous cette initiative ?
Ce projet semi-industriel, d’un coût de 17,5 millions de FCFA, sera financé comme suit : 5,4 millions de FCFA seront mobilisés par les membres pour couvrir deux mois d’approvisionnement, tandis que 12,1 millions de FCFA, correspondant aux frais de fonctionnement et investissements, devront être collectés.
Deux options sont envisagées :
1. Faire appel à un investisseur privé contre une part de 45 % des bénéfices.
2. Lancer un financement participatif sous forme de 100 parts de 121 000 FCFA chacune, chaque part donnant droit à 0,45 % des bénéfices. La priorité de souscription sera accordée à nos membres.
Quel est le potentiel économique des sous-produits du cajou ?
La noix de cajou est une ressource riche et sous-exploitée. L’amande (25 %) est utilisée grillée ou dans l’industrie alimentaire, tandis que la coque (67 %) produit du CNLS, un baume précieux pour les industries chimique, aéronautique et automobile, ainsi que du tourteau utilisé pour fabriquer du charbon vert. La pomme de cajou, quant à elle, permet de produire du jus, de l’alcool, du vinaigre et même des mets locaux comme le « claclo ».
Nous souhaitons exploiter ces opportunités grâce à des équipements disponibles localement auprès du Centre de démonstration et de promotion des technologies.
Que prévoyez-vous en dehors de la campagne pour soutenir les producteurs ?
Nous poursuivrons la bancarisation des transactions pour permettre aux membres de mieux gérer leurs revenus et accéder à des microcrédits. En 2025, nous lancerons un programme de formation en gestion financière, épargne et diversification des revenus. Par ailleurs, notre caisse de solidarité offrira des aides ponctuelles, notamment en période de rentrée scolaire.
Avez-vous d’autres projets en vue ?
Nous envisageons le renouvellement des vergers pour augmenter les rendements et améliorer la qualité des récoltes, tout en encourageant les spéculations vivrières pour renforcer la sécurité alimentaire. Par ailleurs, des prix et équipements seront remis aux producteurs les plus méritants, et des infrastructures sociocommunautaires seront financées chaque début de campagne.