Joseph Amon, président de l’Ordre des architectes de Côte d’Ivoire: "Le recours à l’architecte est un moyen efficace pour résoudre ce problème d’effondrement"

Joseph Amon, président de l’Ordre des architectes de Côte d’Ivoire. (Ph: Dr)
Joseph Amon, président de l’Ordre des architectes de Côte d’Ivoire. (Ph: Dr)
Joseph Amon, président de l’Ordre des architectes de Côte d’Ivoire. (Ph: Dr)

Joseph Amon, président de l’Ordre des architectes de Côte d’Ivoire: "Le recours à l’architecte est un moyen efficace pour résoudre ce problème d’effondrement"

Le 06/01/25 à 16:39
modifié 06/01/25 à 17:00
Le premier responsable de l'Ordre des architectes dresse le bilan de l'année écoulée et annonce les perspectives pour 2025.
Vous êtes à la tête de l’Ordre des architectes de Côte d’Ivoire. Comment se porte l’organisation ?

Je peux dire que l’Ordre des Architectes de Côte d’Ivoire se porte bien. Aujourd’hui, notre organisation a fait un bond qualitatif très appréciable. Parce qu’après la période post Covid 19, nous avions à tout reconstruire. Les Architectes ont fait preuve de résilience. Aujourd’hui, nous pouvons dire que les choses vont beaucoup mieux tout comme la nation ivoirienne, que ce soit au plan de l’Economie, au volet social et culturel. Nous allons porter notre part pour l'édification de la nation.

La loi exige désormais pour toute construction en zone urbaine, le recours à un architecte ainsi que le permis de construire. Qu’en est-il de l’exécution de cette loi sur le terrain ?

Alors les textes le précisent très bien que le recours aux Architectes est obligatoire parce qu’il s’agit de l’acte de construire mais malheureusement sur le terrain, nous constatons qu’il y a encore des gaps importants à franchir. Parce que la population ne connait toujours pas le rôle, les missions, les attributions des Architectes dans la mission de maitrise d’œuvre. Nous devons avoir un chantier beaucoup plus important à couvrir. Nous devons aller vers les populations, leur expliquer que la profession d’architecte n’est pas seulement celle de construire ou dessiner mais en réalité de bâtir tout un environnement qui permet d’avoir un cadre de vie amélioré et nous pensons que c’est un travail que nous devons faire.

Cette disposition peut-elle être une solution au phénomène des effondrements d’immeubles auxquels nous assistons ces dernières années ?

Absolument oui. Parce que les architectes lorsqu’ils sont appelés à réaliser un projet architectural que ce soit un projet de construction ou une unité industrielle, a l’obligation déontologiquement et de façon professionnelle de conduire tout un ensemble de corps de métiers dans cette phase de réalisation et l’architecte a également dans cette attribution, l’obligation de conseils envers son client. Il met en œuvre tout l’artifice nécessaire à la réalisation, pour un parfait achèvement de l’ouvrage. Lorsqu’il vous entraine dans ce système, vous êtes assuré de conduire un projet de bout en bout avec risque d’effondrement quasi nul. Nous pensons que le recours à l'architecte est un moyen efficace pour résoudre ce problème d'effondrement.

Le secteur de l’architecture est confronté à une prolifération de cabinets illégaux qui opèrent en marge des règles qui régissent la profession. Quel est votre commentaire ? Qu’est-ce que vous comptez faire pour assainir le milieu ?

Nous sommes d’abord passés a une phase de sensibilisation, nous avons fait l’effort d’aller vers un certain nombre de corps de métiers parallèles qui participent à l’acte de construire, d’embellissement de notre cité tels que les architectes d’intérieur mais il se trouve malheureusement que certains se mettent en marge c’est quelque chose qui est dommageable pour la population et la profession. Nous allons maintenant passer à une phase répressive. Parce que nous pensons que ceux qui ont voulu se corriger l’ont fait. Mais il y a certain qui veulent rester dans cette confusion entre le métier d’architecte et celui de Designer que sont les architectes d’intérieur.

Nous allons parler de votre collaboration avec le gouvernement. Comment en tant qu’organisation vous accompagnez l’Etat dans ses réformes ?

C’est un vaste chantier qui a été ouvert par le gouvernement à travers le ministre de la Construction, de l’Urbanisme et du Logement. Nous pouvons dire que de mieux en mieux, nous travaillons ensemble. Le ministère associe l’Ordre des architectes dans les différents projets en cours. Il nous invite à participer à la préparation d’un certain nombre d’actes pour des dossiers d’ordre administratif ou règlementaire mais nous invite à y aller davantage. A chaque occasion le ministre ne fait que rappeler à la population, la nécessité du recours aux architectes. Nous l’en remercions. Il l’a compris, ses collaborateurs également l’ont compris que faire recours aux architectes, au métier de l’architecture est gage de réussite et de développement. Nous pensons que c’est une porte en Or qui nous est offerte et nous allons aller avec ces différentes structures étatiques vers le développement de la Côte d’Ivoire.

Quel est l’apport des Architectes par rapport aux projets immobiliers sociaux lancés par l’Etat ?

Là, il reste relativement très faible parce qu’il s’agit d’un projet très ambitieux du gouvernement de programme immobilier. Malheureusement les architectes nationaux ne sont pas associés à ces différents projets. Nous avons signalé cela, les correctifs sont en cours, en nous sommes persuadés qu’en 2025, nous pourrons avoir une part beaucoup plus importante dans ce vaste programme gouvernemental.

Lors de l’édition 2023 d’Archibat, vous avez recommandé l’usage de matériaux de qualité trouvés localement, non agressifs de l’environnement et du milieu de vie. Qu’en est-il de l’application de cette mesure sur le terrain ?

L’édition 2023 d’Archibat avait une thématique, très intéressante. Nous avons voulu revenir vers nos grandes industries nationales mais également vers la population afin de favoriser davantage, l’usage de matériaux locaux. C’est un processus qui est enclenché. C’est quelque chose qui va se passer sur plusieurs années parce qu’on ne change pas du jour au lendemain les habitudes anciennes. Les industries doivent répondre également à la nouvelle demande qui est formulée. Les architectes, eux s’inscrivent dans l’usage des nouveaux matériaux, dans l’usage d’un nouveau format de réalisation d’opérations et nous pensons que le processus venant d’être enclenché. Il est peut-être hâtif de tirer tout de suite les premières conclusions mais nous avons déjà commencé à porter ces différentes perfections. Il en sera de même pour la prochaine édition d’Archibat en 2025, qui aura-t-elle, une autre thématique, c’est l’Architecture durable et le développement urbain. Nous allons aborder également tous les nouveaux formats. Comment les Architectes, comment les urbanistes, comment les professionnels du cadre et bâti peuvent apporter une pierre à l’édification, au renouvellement de notre paysage urbain à travers les différentes communications, les différents panels, la population pourra voir comment les professionnels ici en Côte d’Ivoire et ailleurs dans le monde peuvent apporter un changement qualitatif et environnemental sur le milieu de vie.

Quel bilan pour l’année 2024 ?

2024 a été une année exceptionnelle pour l’Ordre des Architectes de Côte d’Ivoire parce qu’elle nous a permis d’aller davantage sur le contient et dans le monde entier pour faire connaitre le métier d’Architecte en Côte d’Ivoire. Et de savoir ce que valent les Architectes ivoiriens.

Notre participation en novembre dernier au Forum international de l’Architecture été très appréciée par les Architectes du monde entier. L’Ordre des Architectes de Côte d’Ivoire est le seul Ordre africain qui avait pris un stand pour montrer sa présence. Nous étions 24 Architectes présents. Nous avons parlé de l’architecture ivoirienne, de l’architecture africaine et nous avons remarqué tout l’intérêt que les Architectes à travers le monde avaient vers le continent africain. Il y avait une insuffisance d’informations sur ce qui se passe sur ce continent. Sur ce que les architectes africains font. Nous pouvons dire que l’architecte en Afrique est en train de se développer. Et les architectes ivoiriens ont leur part dans ce développement. Les réalisations que nous avons sur le sol ivoirien, que ce soit à Abidjan ou dans les villes de l'intérieur du pays, prouvent la capacité des architectes à mener des projets de grande ampleur.

Ça, c’est un bénéfice très appréciable que nous avons pu remarquer tout au long de cette année. Nous allons continuer sur cette lancée parce que nous n’allons pas nous arrêter là. Le prochain salon Archibat sera également un salon d’ouverture à l’international. Davantage d’Architectes et de professionnels à travers le monde sont intéressés à venir voir maintenant sur le sol ivoirien, ce que nous sommes, ce que nous pouvons faire, ce que nous devons faire pour le développement du continent africain de manière générale. Nous avons un projet très ambitieux. L’année 2024 est le socle sur lequel nous nous appuyons pour nous lancer de l’avant.

Les défis et perspectives pour l’année 2025 ?

Les défis de 2025 sont aussi nombreux que ceux que nous avons déjà pu réaliser jusqu’à présent. Il s’agit pour nous, de continuer à porter la voix de l’architecture au niveau national, de la porter au niveau régional, sous régional, continental, parce que les architectes ivoiriens ont une grande capacité, une bonne formation et un champ d’expérimentation qui, je ne dirai pas est unique en Afrique mais qui est très exceptionnel. C’est un grand chantier sur lequel nous allons davantage travailler à travers le salon d’Archibat mais également lors du prochain congrès de l’union des architectes d’Afrique prévu en mai à Kinshasa, aborder à travers des communications, vers les architectes d’Afrique, ce que les architectes ivoiriens peuvent faire, ont déjà fait et ferons dans les années à venir.

Mais au niveau national nous n’allons pas oublier nos frères et sœurs, nous allons aller vers l’intérieur du pays, c’est un chantier très important parce que la Côte d’Ivoire ne se limite pas à Abidjan ou au District d’Abidjan. La Côte d’Ivoire, c’est 322 000 km2. C’est autant d’espaces à construire, à bâtir et nous avons besoin d’aller vers la population, vers nos frères et sœurs à l’intérieur du pays. Parce que les projets ne sont pas seulement des projets ambitieux, une simple construction, une maison d’habitation et même une petite gare ou un petit marché, sont des projets d’architecture. Et les architectes doivent montrer leur capacité à apporter leur contribution à la réalisation de ces édifices et infrastructures. C’est ambitieux mais nous savons que nous pouvons y arriver parce que les architectes sont solidaires, unis et peuvent travailler davantage vers la réussite de ces différents projets.

INTERVIEW REALISEE PAR


Le 06/01/25 à 16:39
modifié 06/01/25 à 17:00