Transport aérien domestique : 700 milliards de F Cfa pour rénover, moderniser et construire de nouveaux aéroports
Quels sont les travaux qui ont été réalisés à l’aéroport de Korhogo ?
L’ensemble de l’infrastructure a été revue. La piste refaite, une nouvelle aérogare construite et inaugurée en mai 2024, des équipements d’aide à la navigation déployés, etc. C’est donc un aéroport quasi neuf que nous avons aujourd’hui à Korhogo. Ces travaux ont été achevés juste avant la Coupe d’Afrique de nations 2023. En plus de reconnaître tous ces efforts, ce prix est aussi une reconnaissance du mérite de l’ensemble de nos agents, mais également une invite à maintenir cette dynamique d’excellence et de s’assurer que l’ensemble de nos aéroports répondent aux normes internationales.
Justement, dans quel état se trouvent les autres aéroports du pays ?
À ce jour, la Côte d’Ivoire compte 9 aéroports ouverts à la circulation aérienne publique. L’aéroport d’Abidjan est concédé à une entreprise privée qui l’exploite, Aeria, sous la supervision de la Sodexam qui assure le contrôle de l’exécution de la convention de concession. Les 8 autres sont domestiques et sont exploités directement par la Sodexam dans toutes les composantes. 5 d’entre eux reçoivent des vols commerciaux de la compagnie nationale Air Côte d’Ivoire.
Peut-on vraiment les considérer tous comme des aéroports ?
Il y a, en effet, une petite nuance à faire entre ce qu’on appelle aéroport, aérodrome et aérogare. L’aérogare est le bâtiment commercial qui reçoit les passagers. L’aérodrome, lui, fait référence à la piste. Ici, il n’y a pas de terminal passagers et tous les autres bâtiments qui permettent d’en faire une exploitation commerciale. C’est le cas à Sassandra et à Séguéla. Ce sont des aérodromes et non des aéroports. Lorsqu’il y a l’ensemble tout ce que je viens citer, c’est-à-dire l’aérodrome, l’aérogare et les services de pompiers, de police, de gendarmerie, etc. on peut parler en ce moment d’aéroport.
Il a été annoncé plusieurs fois un projet d’extension et de modernisation de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny d’Abidjan. Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Cet ambitieux projet dont la Sodexam assure le suivi technique est en cours. Nous en sommes encore aux travaux préliminaires qui ont été exécutés à 40 %. Ils devraient être achevés d’ici la fin de l’année, afin de lancer la seconde phase des travaux. Celle-ci sera beaucoup plus importante et consistera à l’extension et à la rénovation à proprement parler de l’ensemble des infrastructures et des équipements de cet aéroport.
Pouvez-vous rappeler l’objectif de ces travaux ?
Ces travaux permettront d’étendre les capacités de l’aéroport d’Abidjan, de le moderniser dans son fonctionnement avec toutes les technologies modernes, afin de rendre l’expérience passager des plus agréables et fluides, en garantissant le haut niveau de sûreté et de sécurité que nous avons déjà. Je rappelle que notre aéroport est certifié par la TSA américaine, ce qui lui permet d’avoir des vols directs vers les États-Unis. Sur le plan continental aussi, l’aéroport Félix Houphouët-Boigny est aussi une référence à plus d’un titre. Il est certifié, ce qui signifie qu’il respecte les exigences règlementaires internationales et ses infrastructures sont aux normes. Selon l’audit de l’Organisation de l’aviation civile (Oaci) en 2024, notre aviation civile a été classée première en Afrique, parce que nous faisons beaucoup d’efforts pour respecter les normes de sûreté et de sécurité.
À terme, combien y aura-t-il de terminaux à l’aéroport d’Abidjan ?
L’unique terminal qu’on avait jusque-là, d’une capacité de 2,3 millions de passagers par an, était saturé à un moment donné. Le terminal 2 a été mis en service, juste avant la Can 2023. Ce 2e terminal, qui a une capacité de 400 000 passagers par an, traite l’ensemble des vols sous régionaux et parfois des vols domestiques. Les travaux en cours permettront l’extension de ces deux terminaux dont la capacité cumulée est environ 2,7 millions de passagers par an. Cette capacité va être doublée pour atteindre les 5 millions de passagers par an. Et elle pourra s’étendre jusqu’à 7, 8 ou 10 millions de passagers selon l’évolution du trafic.
À quel niveau ces travaux positionneront l’aéroport d’Abidjan par rapport aux autres aéroports de la région ?
Ces travaux nous positionneront au même niveau que les pays tels que le Ghana ou le Sénégal qui ont déjà procédé à l’extension et à la modernisation de leurs aéroports. Cependant, notre aéroport sera beaucoup plus moderne et plus équipé des technologies les plus récentes.
En plus de la Sodexam, plusieurs autres structures comme Aeria et l’Anac opèrent à l’aéroport d’Abidjan. Quelle est la démarcation entre vos missions ?
Il y a sur l’aéroport d’Abidjan tout un écosystème chapeauté par le ministère des Transports. L’Autorité nationale de l’aviation civile (Anac) est le régulateur, celui qui édicte les règles et fixe les normes conformément à la règlementation internationale. C’est en quelque sorte le gendarme du secteur. Aeria est l’exploitant privé et la Sodexam l’exploitant pour l’État de Côte d’Ivoire. La Sodexam forme en interne ses ressources humaines. Ainsi, nous avons nos propres contrôleurs de la navigation aérienne, nos propres ingénieurs météo, l’ensemble des cadres dont nous avons besoin, etc. Le défi principal reste l’investissement dans les infrastructures. Nous avons pour cela développé de nombreux partenariats internationaux dans divers domaines. La Sodexam qui a fêté l’an dernier ses 25 ans d’existence, préside notamment l’Association des gestionnaires d’aéroports d’Afrique de l’Ouest et du Centre, pour la première fois de son existence.
En décembre 2024, des travaux ont été lancés au niveau de l’aéroport d’Odienné. En quoi consistent-ils ?
Ces travaux en cours participent de la politique globale de modernisation des infrastructures aéroportuaires à l’intérieur du pays. D’importants investissements ont été consentis par le gouvernement ces dernières années pour moderniser l’ensemble de ces infrastructures. Ainsi, l’aéroport de San Pedro a bénéficié d’une nouvelle aérogare et d’une réfection de sa piste. Korhogo a suivi. À Kong et à Séguéla, sont en train d’être construites de nouvelles pistes. De même, nous avons lancé des travaux visant à ériger l’aéroport de Bouaké en second aéroport international de la Côte d’Ivoire.
Combien coûtent tous ces travaux ?
Si on exclut l’aéroport d’Abidjan, le vaste programme de rénovation, de modernisation et de construction de nouveaux aéroports, sur plusieurs années, peut se chiffrer à 700 milliards de F Cfa. Il est en cours d’exécution et s’étendra sur plusieurs années. C’est un investissement qui devra booster l’économie, car il ne faut pas oublier que les aéroports, au-delà du fait qu’ils relient deux destinations, jouent un rôle économique stratégique dans les villes où ils sont exploités. On a pu le constater à l’intérieur du pays où nos aéroports ont un rôle de vecteur de l’aménagement du territoire et d’accélérateur du développement.
Comment peut-on évaluer le besoin en matière de transport aérien domestique ?
Le transport aérien domestique n’est pas assez développé dans notre pays. Ce n’est pas encore entré dans les habitudes. Et ce pour plusieurs raisons, dont la principale est le fait d’avoir un réseau routier très développé. La route est le principal concurrent du trafic domestique. Quand elle offre toutes les conditions de sécurité et de confort, les usagers, bien souvent, font le choix d’effectuer leurs déplacements avec leurs propres véhicules. À Bouaké, par exemple, nous avons noté une baisse de la fréquentation depuis l’ouverture de l’autoroute. La bonne qualité des routes représente donc une menace pour le transport aérien domestique en même temps que c’est un avantage pour le développement des régions (rires).
Dans d’autres pays de la région comme le Nigeria ou le Ghana, le trafic domestique est pourtant assez développé...
Tout à fait et cela s’explique par ce que je viens d’évoquer. La Côte d’Ivoire a le meilleur réseau routier de toute la zone ouest-africaine. Cela constitue malheureusement un désavantage pour nous par rapport à ces pays que vous venez de citer et qui sont nos concurrents. Ils n’ont pas les routes que nous avons et donc leurs concitoyens ont pris l’habitude de se déplacer en avion. Au Nigeria, l’aviation privée d’affaire est très développée, de même que le trafic domestique public. C’est comme prendre un taxi. C’est un peu pareil au Ghana où on n’a même pas besoin de réservation, avant de voyager. Il y a un vol toutes les heures à l’aéroport.
Le sous-développement du trafic aérien domestique en Côte d’Ivoire ne pourrait-il pas s'expliquer aussi par le coût des billets jugé exorbitant ?
Le gouvernement fait beaucoup d’effort pour soutenir le transport aérien domestique, mais c’est clair qu’il faudra avoir une vaste réflexion, afin de parvenir à un bon niveau de compétitivité.
2024 a été marquée par l’obtention de plusieurs prix et récompenses, mais aussi par des partenariats stratégiques. Pouvez-vous revenir sur tous ces acquis ?
Commençons par les conventions. Nous avons signé un accord-cadre de coopération bilatérale avec l’Agence météorologique du Ghana en novembre 2024. Dans le même mois, nous avons conclu deux conventions de partenariat avec le Maroc, l’une avec l’Université internationale de Rabat et l’autre avec l’Académie internationale Mohammed 6 de l’aviation civile.
Pour ce qui est des récompenses, en plus du prix Aci Afrique qu’on a déjà évoqué, on peut citer, entre autres : le maintien de notre certificat ISO 9001 2015 pour nos activités météorologiques ; le Prix d’excellence pour l’engagement en communication et vulgarisation scientifique décerné par l’Association des journalistes de Côte d’Ivoire en mai 2024 ; la certification Airport carbone accréditation (mai 2024) ; le certificat de gestion de crise et de résilience aéroportuaire (septembre 2024) ; le 2e prix d’excellence au Prix ivoirien de la qualité (novembre 2024) et le Prix Qhse de la technologie pour la lutte contre la désertification pour le projet Vigiclimm lors du Forum Qualitas day (mai 2024).
Quelles sont les perspectives de la Sodexam pour 2025 ?
Notre principal chantier concernera l’aéroport d’Abidjan. Ensuite, nous poursuivrons notre programme de modernisation des aéroports domestiques. Les aérodromes de Kong et de Séguéla devraient être mis en service cette année. Au titre de la météorologie nationale, nous allons poursuivre notre programme d’investissement. Le nouveau centre d’alerte et de prévision devrait voir le jour cette année et l’ensemble des stations météorologiques prévues dans chacune des régions administratives de notre pays seront déployées, de même que le radar météorologique, afin de renforcer notre capacité à prévenir les risques et les catastrophes naturels. Nous continuons à travailler avec un certain nombre de partenaires au développement pour pouvoir étendre le champ des risques que nous couvrons et nous renforcer en matériel. Il faut noter que notre pays n’est pas encore équipé en radar marin et en plusieurs autres outils clés. Enfin, nous prévoyons d’achever et d'inaugurer notre nouveau siège qui est en construction à côté du Parc des expositions.
Interview réalisée par FAUSTIN ÉHOUMAN