Portrait/Christian Romain Kossa, Chorégraphe, Performeur : Il danse, donc il pense
Il ne faut surtout pas se fier aux apparences. Christian Romain Kossa, jeune chorégraphe et performeur ivoirien au physique athlétique et au look de saltimbanque que nous avons rencontré à la terrasse d’un restaurant de la commune de Cocody en cette après-midi du mois de janvier est capable de parler avec aisance des systèmes aristotéliciens, des impératifs catégoriques d’Emmanuel Kant et de bien d’autres concepts philosophiques.
Et pour cause, avant d’être ce créateur qui se produit sur de nombreuses scènes partout dans le monde, le concepteur de ballet a étudié la philosophie à l’université Félix Houphouët-Boigny sanctionné par un Deug.
« Après le Bac littéraire obtenu en 2008, j’ai voulu suivre les traces de mon frère ainé qui faisait ses humanités à la Fac de lettres, option philosophie », nous révèle ce fils d’instituteur qui a grandi dans une famille où les études occupent une place centrale.
C’est par un concours de circonstances qu’il intègre l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (Insaac). « Quand, il y a eu la fermeture des universités ivoiriennes à la suite de la crise post-électorale, j’ai intégré l’Insaac à l’insu de mes parents. J’étais déterminé à embrasser une carrière dans le théâtre, la mise en scène ou le cinéma. Mais, je me suis découvert un talent insoupçonné pour le mouvement », nous confie-t-il.
Après une licence professionnelle option danse puis un master professionnel en danse et chorégraphie, Christian Romain obtient un certificat d’Aptitude Pédagogique à l’Enseignement des Arts au Secondaire en 2017. Il complète son apprentissage au sein de plusieurs laboratoires. Notamment à l’École des Sables au Sénégal, et au CDC-La Termitière au Burkina Faso. Mais pour Christian Romain, ce n'est pas assez.
Il veut ajouter d’autres lignes à son curriculum vitæ et être reconnu comme l’un des meilleurs dans sa discipline. Alors, aucun sacrifice n’est de trop pour parvenir à ses fins. C’est ainsi qu’en 2019, il s’envole pour la France et s’inscrit dans le prestigieux programme Master du Centre chorégraphique national de Montpellier. Il y obtiendra un Master en Études chorégraphiques. Les performances sur scène de cet artiste à la fois corps et esprit sont si époustouflantes qu’elles lui vaudront d’être coopté par plusieurs compagnies.
Depuis 2021 en effet, il est artiste associé à la compagnie Libr’Arts à Montpellier, où il accompagne des projets et mène des collaborations, notamment avec Nadia Beugré, dont il a été l’assistant durant plusieurs années. Il enseigne également, dans le cadre du programme Entr’Ailes, initié par Libr’Arts, pour soutenir les jeunes femmes artistes et professionnelles de la culture.
Globe-trotter
La danse a fait de lui un globe-trotter qui arpente les pays du monde pour promouvoir son art. « J’ai pris part à plusieurs projets avec le chorégraphe néo-zélandais Oliver Connew et la chorégraphe Christiane Emmanuel de la Martinique. Avec le projet de Christian Emmanuel, dénommé "Cette terre me murmure à l’oreille", on a tourné en France, en Martinique, en Guadeloupe, en Uruguay ... », dit avec fierté ce natif de Tieni-Siabli, sympathique bourgade située dans le département de Facobly.
Sa formation en philosophie lui a fourni les armes intellectuelles qui nourrissent non seulement ses performances, mais également sa vision artistique.
L’une des créations, « Nahibly, une histoire AGAIN » qui est une proposition performative inspirée d’un drame bien réel : l’attaque du camp de réfugiés de Nahibly, dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, en 2012, illustre parfaitement sa démarche singulière. À travers un mélange audacieux de mouvements frénétiques et de pauses contemplatives, il invite le public à une introspection sur la nature du dialogue humain.
Les corps ondulants des danseurs deviennent des métaphores des idées. Et chaque geste résonne comme une question philosophique posée à l’auditoire. Christian Romain explique : « Si j’ai choisi la danse et la chorégraphie, c’est pour contribuer à l’évolution de la société, des mentalités, des regards. C’est pourquoi mes spectacles abordent des questions de société. La danse est mon moyen d’insuffler le changement, de provoquer la remise en question ».
Son projet actuel, intitulé « Puzzle(D) » repense les trajectoires migratoires à travers des voyages en autobus entre Montpellier et Abidjan. Soit plus de 6700 Kms, à la rencontre de ceux qui aspirent à une vie différente en Europe.
Engagement social
Pour lui qui affirme être captivé par le travail de la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, notamment pour son engagement social dans les Favelas et sa façon de repenser la création chorégraphique en faisant dialoguer la danse avec son environnement, il est aussi admiratif de ses illustres prédécesseurs d’Afrique qui ont donné à la danse ses lettres de noblesse.
« Mon inspiration vient de ses figures emblématiques de la danse que sont Béatrice Kombé, Massidi Adiatou, Rose-Marie Guiraud, Wêrêwêrê Liking... elles ont ouvert la voie et bâti un patrimoine dont nous sommes les héritiers. Leur travail colossal a permis à la danse de création ivoirienne d’exister sur la scène internationale », dit avec reconnaissance celui qui entend participer au changement et impulser un mouvement pour replacer la Côte d’Ivoire au cœur de la scène artistique africaine.
À la faveur du dernier Marché des arts et du spectacle d’Abidjan (Masa), les critiques ont salué ses prestations et son audace, notant que ses performances ne se limitent pas qu’à l’esthétique, elles sont des invitations à penser.
Généralement à l’issue des spectacles de Christian Romain, le public émerge souvent avec plus de questions que de réponses, une caractéristique qui, selon lui, est essentielle : « Je n’ai pas la prétention de fournir des réponses. Mon but est de susciter la curiosité et d’encourager chacun à explorer ses propres réflexions ». Comme quoi, la danse, hormis les pas, nourrit aussi les pensées.
« Après le Bac littéraire obtenu en 2008, j’ai voulu suivre les traces de mon frère ainé qui faisait ses humanités à la Fac de lettres, option philosophie », nous révèle ce fils d’instituteur qui a grandi dans une famille où les études occupent une place centrale.
C’est par un concours de circonstances qu’il intègre l’Institut national supérieur des arts et de l’action culturelle (Insaac). « Quand, il y a eu la fermeture des universités ivoiriennes à la suite de la crise post-électorale, j’ai intégré l’Insaac à l’insu de mes parents. J’étais déterminé à embrasser une carrière dans le théâtre, la mise en scène ou le cinéma. Mais, je me suis découvert un talent insoupçonné pour le mouvement », nous confie-t-il.
Après une licence professionnelle option danse puis un master professionnel en danse et chorégraphie, Christian Romain obtient un certificat d’Aptitude Pédagogique à l’Enseignement des Arts au Secondaire en 2017. Il complète son apprentissage au sein de plusieurs laboratoires. Notamment à l’École des Sables au Sénégal, et au CDC-La Termitière au Burkina Faso. Mais pour Christian Romain, ce n'est pas assez.
Il veut ajouter d’autres lignes à son curriculum vitæ et être reconnu comme l’un des meilleurs dans sa discipline. Alors, aucun sacrifice n’est de trop pour parvenir à ses fins. C’est ainsi qu’en 2019, il s’envole pour la France et s’inscrit dans le prestigieux programme Master du Centre chorégraphique national de Montpellier. Il y obtiendra un Master en Études chorégraphiques. Les performances sur scène de cet artiste à la fois corps et esprit sont si époustouflantes qu’elles lui vaudront d’être coopté par plusieurs compagnies.
Depuis 2021 en effet, il est artiste associé à la compagnie Libr’Arts à Montpellier, où il accompagne des projets et mène des collaborations, notamment avec Nadia Beugré, dont il a été l’assistant durant plusieurs années. Il enseigne également, dans le cadre du programme Entr’Ailes, initié par Libr’Arts, pour soutenir les jeunes femmes artistes et professionnelles de la culture.
Globe-trotter
La danse a fait de lui un globe-trotter qui arpente les pays du monde pour promouvoir son art. « J’ai pris part à plusieurs projets avec le chorégraphe néo-zélandais Oliver Connew et la chorégraphe Christiane Emmanuel de la Martinique. Avec le projet de Christian Emmanuel, dénommé "Cette terre me murmure à l’oreille", on a tourné en France, en Martinique, en Guadeloupe, en Uruguay ... », dit avec fierté ce natif de Tieni-Siabli, sympathique bourgade située dans le département de Facobly.
Sa formation en philosophie lui a fourni les armes intellectuelles qui nourrissent non seulement ses performances, mais également sa vision artistique.
L’une des créations, « Nahibly, une histoire AGAIN » qui est une proposition performative inspirée d’un drame bien réel : l’attaque du camp de réfugiés de Nahibly, dans l’Ouest de la Côte d’Ivoire, en 2012, illustre parfaitement sa démarche singulière. À travers un mélange audacieux de mouvements frénétiques et de pauses contemplatives, il invite le public à une introspection sur la nature du dialogue humain.
Les corps ondulants des danseurs deviennent des métaphores des idées. Et chaque geste résonne comme une question philosophique posée à l’auditoire. Christian Romain explique : « Si j’ai choisi la danse et la chorégraphie, c’est pour contribuer à l’évolution de la société, des mentalités, des regards. C’est pourquoi mes spectacles abordent des questions de société. La danse est mon moyen d’insuffler le changement, de provoquer la remise en question ».
Son projet actuel, intitulé « Puzzle(D) » repense les trajectoires migratoires à travers des voyages en autobus entre Montpellier et Abidjan. Soit plus de 6700 Kms, à la rencontre de ceux qui aspirent à une vie différente en Europe.
Engagement social
Pour lui qui affirme être captivé par le travail de la chorégraphe brésilienne Lia Rodrigues, notamment pour son engagement social dans les Favelas et sa façon de repenser la création chorégraphique en faisant dialoguer la danse avec son environnement, il est aussi admiratif de ses illustres prédécesseurs d’Afrique qui ont donné à la danse ses lettres de noblesse.
« Mon inspiration vient de ses figures emblématiques de la danse que sont Béatrice Kombé, Massidi Adiatou, Rose-Marie Guiraud, Wêrêwêrê Liking... elles ont ouvert la voie et bâti un patrimoine dont nous sommes les héritiers. Leur travail colossal a permis à la danse de création ivoirienne d’exister sur la scène internationale », dit avec reconnaissance celui qui entend participer au changement et impulser un mouvement pour replacer la Côte d’Ivoire au cœur de la scène artistique africaine.
À la faveur du dernier Marché des arts et du spectacle d’Abidjan (Masa), les critiques ont salué ses prestations et son audace, notant que ses performances ne se limitent pas qu’à l’esthétique, elles sont des invitations à penser.
Généralement à l’issue des spectacles de Christian Romain, le public émerge souvent avec plus de questions que de réponses, une caractéristique qui, selon lui, est essentielle : « Je n’ai pas la prétention de fournir des réponses. Mon but est de susciter la curiosité et d’encourager chacun à explorer ses propres réflexions ». Comme quoi, la danse, hormis les pas, nourrit aussi les pensées.