Pénurie d'Eau à Anonkoua Sodeci : Deux ans de calvaire pour les habitants de Petit Paris 

Des récipients alignés pour attendre l'approvisionnement de la Sodeci qui ne viendra pas (Photo Bavane)
Des récipients alignés pour attendre l'approvisionnement de la Sodeci qui ne viendra pas (Photo Bavane)
Des récipients alignés pour attendre l'approvisionnement de la Sodeci qui ne viendra pas (Photo Bavane)

Pénurie d'Eau à Anonkoua Sodeci : Deux ans de calvaire pour les habitants de Petit Paris 

Le 20/02/25 à 06:01
modifié 20/02/25 à 16:05
Fûts, bassines, seaux, bidons sont alignés sur au moins 100 mètres devant la concession de Touré Ali, membre du comité de gestion du quartier petit Paris, avec de nombreuses femmes en file indienne chacune veillant sur son récipient. Il est 14h 23mn ce dimanche 23 janvier 2025, au sous quartier Petit Paris à Anonkoua Sodeci dans la commune d’Abobo. Sous un soleil de plomb, ces femmes et enfants tout en sueur, attendent avec espoir que la citerne de la Société de distribution d’eau de Côte d’Ivoire (Sodeci) vienne leur servir l’eau source de vie. Malheureusement, deux heures après, un appel téléphonique de l’agent de la sodeci annonce qu’il ne sera pas possible pour lui de se rendre à Petit Paris ce jour. L’espoir pour ces femmes d’avoir de l’eau au moins pour deux jours, venait ainsi d’être brisé. Chacune récupère son récipient pour rentrer chez elle, le pas lourd. A la vue de notre véhicule de reportage avec le logo fraternité Matin, elles crient leur mécontentement : « On veut l’eau ! On veut l’eau ! on est fatigué ». Information prise, cette pénurie d’eau perdure depuis 2 ans. En effet, ce secteur populaire d'Abobo est confronté à une crise de l'eau depuis 2022. Bien que la SODECI ait des compteurs installés depuis cette date (2022) pour certains et 2023 pour d’autres, une pénurie persistante empêche les habitants d'accéder à cette ressource essentielle pour la vie.

Des habitants du quartier qui crient leur ras--le-bol (Photo Bavane)
Des habitants du quartier qui crient leur ras--le-bol (Photo Bavane)



Les Femmes, premières victimes

Les femmes, chargées de la gestion domestique, sont les premières à souffrir de cette situation. Mariam Cissé, une habitante du quartier, témoigne de la difficulté de mener une vie normale sans eau. « Même pour faire face à nos besoins quotidiens pour l’entretien de la maison, c'est un calvaire. Nous achetons de l'eau. Un bidon de 20 litres coûte entre 50 et 100 FCfa. Il faut débourser en moyenne par semaine, entre 2000 et 3000 Fcfa pour nous qui avons des enfants », dénonce-t-elle. « Nous souffrons. Et ni la Sodeci, ni les autorités compétentes ne daignent répondre aux cris de notre souffrance », charge la mère de famille, les larmes aux yeux. Cette situation, soutient-elle l’a rendue malade et elle a dû être hospitalisée durant deux semaines. Comme elle, une sexagénaire qui peine à marcher avec un seau dans la main, n’a pas manqué de crier son ras-le bol en malinké : « Mes enfants demandez au Président Alassane Ouattara de nous aider. On souffre. On est fatigué. Regardez-moi vielle femme aller chercher de l’eau. N’avez-vous pas pitié ? (La traduction) »

Tout le quartier est dans le désarroi

Les témoignages des résidents sont unanimes et la colère partagée : la situation est devenue insoutenable. Mesmin Kouadio, un jeune homme en fauteuil roulant confie : « J'ai pris mon compteur en juillet 2022, l'eau arrivait correctement pendant trois mois, puis plus rien. C'est frustrant ». Son désarroi est partagé par le président du quartier. « Dans les rues, on voit des files d'attentes de nos femmes cherchant de l'eau. Elles sont obligées de jour comme de nuit d’arpenter les rues non éclairées du quartier à la recherche de l’eau avec tous les dangers que cela comporte. Malgré les demandes répétées auprès de la Sodeci, la situation reste inchangée, relate ce dernier. « Nous avons écrit à la Primature, mais nous n'avons pas eu de réponse », déclare Mamadou Silué, président du Syndicat des Copropriétaires et résidents d'Anonkoua Petit paris.

L'un des courriers adressés aux autorités (DR)
Des courriers de description de la situation et de demande d'aide, il y en a eu plusieurs (DR)



Les robinets sont vides, pourtant les factures parfois « salées » sont déposées

La plupart des compteurs ont été installés en 2022. Lesdits compteurs selon Mamadou Silué, au moment de leur installation avaient suscité une grande joie chez les habitants de ce sous quartier de près de 25 000 âmes. Car, l’eau coulait à flot dans les robinets. « Nous avions de l'eau en abondance. Tout le monde se lavait sous la colonne de sa douche. Mais brusquement, nous avons été privés d'eau », explique-t-il. Depuis décembre 2022, dit-il, les habitants sont confrontés à un manque d'eau au quotidien. Ils sont désormais contraints d'acheter de l'eau chez des revendeurs, qui eux, semblent avoir un approvisionnement constant. « Pourquoi ces revendeurs ont-ils de l'eau alors que nous, qui avons des compteurs domestiques, n'en avons pas ? » s'interrogent les résidents. Les habitants ne comprennent pas pourquoi et comment les revendeurs d'eau, qui sont aussi des abonnés de la Sodeci, arrivent-ils à être approvisionnés, alors que les résidents du quartier sont privés de cette ressource. Une question qui malheureusement n’a trouvé aucune réponse malgré plusieurs démarches menées auprès des autorités compétentes.

Les habitants ne comprennent pas pourquoi et comment les revendeurs d'eau, qui sont aussi des abonnés de la Sodeci, arrivent-ils à être approvisionnés, alors que les résidents du quartier sont privés de cette ressource. Baba Coulibaly, un autre habitant, tout peiné par la situation, souligne que la promesse d'un accès régulier à l'eau faite par la Sodeci en 2022, s'est transformée en une déception totale. « 90% des gens ici n'ont pas d'eau. Nous sommes fatigués de chercher de l'eau tous les jours », a-t-il déclaré. Il n’est pas loin de regretter son abonnement. Selon lui, son compteur est devenu un simple objet du décor dans sa cour avec des factures aux montants exorbitants qui continuent d’ être distribuées tous les trois mois.

Une facture de la Sodeci déposée malgré la non alimentation de la concession (Photo Bavane)
Une facture de la Sodeci déposée malgré la non alimentation de la concession (Photo Bavane)



Un appel à l'aide

Malgré la situation difficile, les habitants de Petit Paris veulent garder espoir. « Votre passage ici nous donne de l'espoir. Nous espérons que le reportage que vous ferez permettra de faire bouger les choses » lance Baba Coulibaly. Les habitants espèrent que les autorités seront sensibles à leur détresse et que des mesures concrètes seront prises pour résoudre cette crise de l'eau.

Un point de vente où la fourniture d'eau n'a jamais été interrompue (Photo Bavane)
Un point de vente où la fourniture d'eau n'a jamais été interrompue (Photo Bavane)



Une urgence à résoudre

La situation à Petit Paris est un exemple du manque d’eau qui touche de nombreux quartiers d'Abidjan. Les habitants espèrent une solution pérenne au calvaire. En attendant, ils continuent de chercher de l'eau, souvent à prix élevé. Ces habitants de ce secteur de la commune d’Abobo ne cessent d’appeler au secours les personnes susceptibles de les aider.

La Sodeci a été interpellé pour régler cette situation, selon Mamadou Silué, le président du Syndicat des copropriétaires et résidents de Petit Paris qui a brandi des courriers adressés à ladite société. Selon lui, malgré cela, rien. Et leur souffrance continue. Pour comprendre la raison de cette situation, nous sommes entrés en contact avec la responsable de la zone de N’Dotré qui gère le quartier petit Paris. De « nous vous revenons » à « nous vous revenons », aucune réponse de la Sodeci n’a été apportée à notre question

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Le 20/02/25 à 06:01
modifié 20/02/25 à 16:05