Les petits opérateurs privés livreurs d’eau : un maillon essentiel à Abidjan

Un peti opérateurs privé livreur d’eau
Un peti opérateurs privé livreur d’eau
Un peti opérateurs privé livreur d’eau

Les petits opérateurs privés livreurs d’eau : un maillon essentiel à Abidjan

Le 24/02/25 à 23:15
modifié 24/02/25 à 23:18
Face à une croissance démographique soutenue, la Côte d’Ivoire doit relever un défi majeur : garantir un accès universel à l’eau potable. Malgré les efforts déployés au niveau national, un réseau de micro-entrepreneurs, appelés petits opérateurs privés de l’eau (POPE), joue un rôle crucial dans l’approvisionnement des quartiers les plus vulnérables, où l’accès à l’eau potable reste précaire.

Ces acteurs qui travaillent dans l’informel assurent un service de proximité indispensable, mais opèrent sans cadre légal ni reconnaissance officielle. Une récente étude canado-ivoirienne* met en lumière leur impact et explore les pistes de formalisation qui pourraient renforcer leur contribution au service public de l’eau.

Des entrepreneurs au cœur des quartiers

Les POPE sont des micro-entrepreneurs issus des quartiers qu’ils desservent. En l’absence de raccordement fiable au réseau de distribution d’eau potable, ils proposent une alternative accessible, adaptée aux habitudes de consommation des populations. Leur modèle repose sur la vente en petites quantités d’eau, répondant aux besoins immédiats des ménages les plus modestes.

En période de pénurie, leur rôle devient encore plus crucial, l’eau devenant une ressource rare et précieuse. Pourtant, leur activité se déroule en marge du cadre légal, limitant ainsi leur accès à des financements ou à un accompagnement technique.

Un secteur rentable malgré l’informalité

L’étude menée en 2023 et 2024 auprès de 1 067 POPE révèle que, bien qu’ils évoluent dans l’informel, ces entrepreneurs parviennent à générer des revenus stables grâce à des relations de confiance avec leur clientèle. Plus de 50 % d’entre eux déclarent avoir choisi cette activité pour ses meilleures perspectives de rémunération par rapport à leurs occupations précédentes. Par ailleurs, 88 % des POPE se disent favorables à une formalisation de leur métier.

Une reconnaissance officielle, un levier d’amélioration

Intégrer ces acteurs au cadre institutionnel offrirait plusieurs avantages :

- Accès à des financements : Une reconnaissance légale permettrait aux POPE d’investir dans de meilleures infrastructures.

- Sécurisation des emplois : L’intégration progressive dans un cadre réglementaire offrirait une protection sociale aux POPE et à leurs employés.

- Amélioration de la qualité de l’eau : Une formation aux bonnes pratiques sanitaires et l’utilisation de contenants adaptés réduiraient les risques de contamination.

Toutefois, cette formalisation doit rester souple et adaptée afin de ne pas dissuader ces entrepreneurs d’y adhérer.

Une complémentarité avec la SODECI

99 % des POPE estiment que leur activité est complémentaire et non concurrente à celle de la SODECI, principal distributeur d’eau potable en Côte d’Ivoire. En intégrant ces opérateurs dans une stratégie globale, il serait possible d’améliorer la desserte des zones périurbaines et rurales, souvent moins bien desservies par le réseau officiel.

Des solutions concrètes pourraient être envisagées, telles que :

- La sous-traitance de mini-réseaux d’eau installés par les POPE dans les zones mal desservies.

- Un partenariat avec l’Office National de l’Eau Potable (ONEP) pour assurer l’approvisionnement provisoire en cas de baisse de pression, de coupure et de toute autre difficulté d’accès à l’eau potable.

- Un projet pilote pourrait être mené à Abidjan pour mettre en œuvre des propositions de l’étude. Les POPE pourraient être recensés, enregistrés, formés et accompagnés de même que les acteurs clés de la chaîne de valeur. Des contenants (bidons) sains pourraient être mis à leur disposition.

Un modèle inspirant pour d’autres pays

La formalisation et l’intégration des POPE au sein du système de distribution d’eau constitueraient une approche innovante et pragmatique pour réduire les inégalités d’accès à l’eau potable en Côte d’Ivoire. Un modèle hybride combinant flexibilité, proximité et qualité de service pourrait également inspirer d’autres pays confrontés à des défis similaires.

Loin d’être un simple palliatif, ces entrepreneurs de l’eau démontrent qu’une collaboration intelligente entre secteur public et initiatives privées peut transformer durablement l’accès à l’eau potable pour tous.

Une correspondance de Michel Kelly-Gagnon, président fondateur de l'Institut économique de Montréal et Gisèle Dutheuil directrice d’Audace Institut d'Afrique.

(*) Projet mené par l’Institut économique de Montréal (IEDM), en collaboration avec Audace Institut Afrique (AIA), un professeur de l’Université de Montréal (Canada) et un Maître de conférences de l’Université Sultan Moulay Slimane (Maroc), avec le soutien de la Templeton World Charity Foundation.



Le 24/02/25 à 23:15
modifié 24/02/25 à 23:18