
SEM. Assiélou Félix Tanon, ambassadeur de Côte d'Ivoire au Ghana. (Ph: Abdoulaye Coulibaly)
SEM. Assiélou Félix Tanon, ambassadeur de Côte d'Ivoire au Ghana. (Ph: Abdoulaye Coulibaly)
SEM. Assiélou Félix Tanon, ambassadeur de Côte d'Ivoire au Ghana: "Nous devons dynamiser et diversifier la coopération"
Avec l’élection du nouveau Président issu de l’opposition, le Ghana confirme, une fois de plus, qu’il est une nation démocratique habituée à l’alternance politique. Qu’est-ce qui fait la force de ce pays sur le plan politique ?
Les citoyens ghanéens restent, avant tout, caractérisés par leur esprit civique. Cet esprit patriotique et cet amour profond pour leur nation animent en permanence chaque citoyen. Pour les Ghanéens, le pays prime sur tout le reste. « Ghana is our Motherland » (le Ghana est notre mère patrie), disent-ils. C’est donc dans cet esprit que se sont déroulées les élections de cette année, précédées de campagnes électorales plus ou moins agitées, mais dans un très bon esprit. Ainsi, comme vient de le prononcer officiellement la Commission électorale, c’est le candidat de l’opposition (Ndc), SEM. John Dramani Mahama, qui a remporté l'élection présidentielle. Tout est donc bien qui finit bien !
Quelles leçons peut-on tirer de ces élections, sachant que le Président élu avait perdu en 2016 et en 2020 ? Par ailleurs, le candidat perdant, issu du parti au pouvoir, a très vite reconnu sa défaite.
Il convient de rappeler que SEM. John Dramani Mahama avait été élu Président en 2012, après avoir assuré l’intérim du défunt Président John Atta Mills. Mais, il est sorti perdant de la présidentielle à deux reprises (2016 et 2020). Cela montre qu’on peut bien perdre les élections aujourd’hui et revenir victorieux demain. Autre élément important à relever, c’est que le candidat du parti au pouvoir (Npp), le vice-Président Mahamudu Bawumia, était à sa première tentative. Il est conscient du fait qu’en 2012, la première tentative SEM. Nana Akufo-Addo, Président sortant, n’a pas été fructueuse. Le candidat du Npp savait aussi que dans la sous-région, le Ghana est réputé pour son alternance politique et considéré aussi comme l’exemple d’une démocratie par excellence. Face à ces facteurs, le candidat du Npp n’a pas attendu longtemps pour reconnaître sa défaite. Comme je le disais tantôt, les Ghanéens sont foncièrement attachés à leur pays, pas aux hommes. C’est bien ce que vient de démontrer le vice-Président Mahamudu Bawumia, lorsqu’il a reconnu rapidement sa défaite. Il a montré que l’intérêt supérieur de la nation se trouve au-dessus de sa personne et de son parti politique. Le Ghana a donc un nouveau Président qui prêtera serment ce 7 janvier 2025. Il fait son come-back après un mandat de 2012 à 2016. C’est une fierté pour le continent africain et une preuve supplémentaire de la maturité démocratique de la République du Ghana.
Passons aux relations entre la Côte d’Ivoire et le Ghana. Les autorités des deux pays affirment que la coopération est excellente. Comment cela se traduit-il dans les faits ?
SEM. Nana Akufo-Addo est arrivé au pouvoir en 2017. Quant à SEM. Alassane Ouattara, Président de la République, il avait déjà accédé à la magistrature suprême en 2011. À la tête de leurs pays, nos deux leaders ont fortement contribué à la progression de notre coopération bilatérale. Ils l’ont hissée à un très haut niveau, en s’appuyant sur le Partenariat stratégique signé en 2017. À partir de ce partenariat, le rythme imprimé à nos relations et à la coopération s’est fortement accéléré. Au point que, aujourd’hui, cette coopération constitue un bel exemple dans la sous-région. Pour notre part, nous avons décidé de suivre ce rythme en jouant pleinement notre partition. Certes, l’anglais (langue officielle du Ghana) pouvait constituer une barrière. Mais certaines spécificités propres à nos deux pays ont largement favorisé cette coopération : nous partageons une frontière commune longue de 668 Km (C’est la plus longue de notre pays). Nous avons aussi les mêmes populations, de part et d’autre de cette frontière. On note aussi que, du fait des origines de certaines populations, il y a des mouvements et des brassages ethniques très forts. Compte tenu de toutes ces considérations, je peux dire que la coopération entre la Côte d’Ivoire et le Ghana est excellente.
L’Accord de 2017, comme vous l’avez souligné, a été le point d’ancrage qui a permis aux deux nations de booster leur coopération. De lui découlent plusieurs autres. Quels sont ces autres accords ?
Oui, ce partenariat signé au cours de l’année 2017 est un accord-cadre. Il a permis de générer des accords majeurs, dont l'Initiative cacao Côte d'Ivoire-Ghana (Iccig). Plusieurs partenariats commerciaux stratégiques en ont découlé. En matière de sécurité transfrontalière, nous avons aussi l’Initiative d’Accra, dont la Côte d’Ivoire est membre, à l’instar du Ghana, du Togo, du Bénin, du Burkina, du Niger et du Mali.
Au-delà de l’agriculture, de la sécurité-défense, les deux pays ont ouvert d’autres chantiers de coopération...
En septembre dernier, une joint-venture baptisée African Bitumen Terminal a été concrétisée entre la Société multinationale de bitume (Smb-CI), filiale de la Sir en Côte d’Ivoire et Ghana Oil Company (Goil), par l’inauguration d’un dépôt de bitume à Tema. Ce partenariat permettra à Goil d’assurer un approvisionnement régulier du Ghana en bitume de haute qualité, tout en offrant à la Smb-CI, une plateforme solide pour élargir sa présence sur le marché ghanéen. Ce projet a été salué comme un exemple de coopération Sud-Sud prometteur. De plus, un accord-cadre a été signé entre la Sodexam (Côte d’Ivoire) et GMet (Ghana) dans le domaine de la météorologie. Ces initiatives montrent que le Partenariat stratégique de 2017 continue de produire des résultats concrets et qu’il reste une base solide pour explorer de nouvelles opportunités.
Revenons sur l’Initiative cacao Côte d’Ivoire-Ghana. Actuellement, le prix du cacao a fortement grimpé sur le marché mondial. Peut-on dire qu’il s’agit là d’une retombée de cet accord entre les deux pays producteurs de plus de 60% du cacao dans le monde ?
L’Initiative Côte d’Ivoire-Ghana concernant le cacao est un exemple réussi de mutualisation des efforts pour défendre les intérêts des producteurs. L’instauration, en 2019, du différentiel de revenu décent (prime de 400 dollars par tonne) a été l’un des résultats majeurs de cette coopération visant à garantir un meilleur revenu aux planteurs. La Côte d'Ivoire et le Ghana ont ainsi posé les bases d’une meilleure valorisation de l’or brun à long terme. Depuis la mise en place de cette initiative, le prix du cacao sur le marché international a considérablement augmenté. Cependant, les multinationales continuent de chercher à fragiliser ce système. La Côte d’Ivoire et le Ghana doivent donc préserver leur unité et demeurer proactifs face à ces défis.
Il y a des pays producteurs africains qui frappent à la porte de l’Initiative cacao Côte d’Ivoire-Ghana...
Effectivement, cette organisation est en train d’attirer d’autres pays qui frappent à la porte de l’initiative. Il s’agit notamment du Cameroun et du Nigeria qui, eux aussi, sont des producteurs de cacao. Leur adhésion sera un apport considérable pour les producteurs.
L’avenir semble donc prometteur. Y a-t-il d’autres actions que la Côte d’Ivoire et le Ghana envisageraient, surtout dans le cadre de la transformation de l’or brun ?
Aujourd'hui, il est essentiel d'accroître l'utilisation de cette matière agricole au-delà du chocolat, ce qui nécessite un ferme engagement en faveur de la promotion des sous-produits. Parallèlement, il faut pouvoir augmenter la transformation du cacao. La Côte d'Ivoire y travaille activement, tout comme le Ghana. L'objectif final est de vendre davantage de produits transformés que la fève, matière première brute ! Les deux pays en sont conscients. Toutefois, les autorités des deux nations sont mieux placées pour évoquer les résultats obtenus. À ce jour, nous avons fait des avancées significatives et sommes fermement engagés dans la transformation du cacao à l’échelle locale.
Aujourd’hui, quelles sont les perspectives de coopération entre la Côte d’Ivoire et le Ghana ?
Notre ambition est de faire en sorte que cette coopération soit à l’image de celle qui existe entre la France et l’Allemagne au sein de l’Union européenne (Ue). Nous n’avons aucun doute, nos autorités mettront les moyens (humains, logistiques et financiers) à notre disposition pour atteindre cet objectif. En outre, nous devons dynamiser et diversifier cette coopération. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de faire notamment la promotion du secteur privé. Nos échanges commerciaux, estimés à 1,7 %, se trouvent en deçà des attentes des deux pays, au regard de leurs vastes potentialités. Ainsi, l’année prochaine, nous envisageons de créer une Chambre de commerce et d’industrie ivoiro-ghanéenne et de mettre en place un Forum économique ivoiro-ghanéen. Le sport facteur d’union, de cohésion et de paix, occupera également une place centrale. À ce titre, nous entendons relancer les jeux sportifs ivoiro-ghanéens. Puis, de façon annuelle, nous entendons organiser les « Journées ivoiriennes ». Ce sera l’occasion de promouvoir le tourisme et la culture de notre pays. Nous souhaitons aussi promouvoir les liens profonds entre nos deux nations en mettant en valeur les parcours migratoires des peuples qui, à l’instar des Akan, sont partis du Ghana pour s’établir en Côte d’Ivoire. Et croyez-moi, il y a de la matière. Car plusieurs vagues migratoires se sont succédé au fil du temps (Baoulé, Agni, Sénoufo, Lobi, Bron, etc.).
INTERVIEW REALISEE A ACCRA PAR
Quelles leçons peut-on tirer de ces élections, sachant que le Président élu avait perdu en 2016 et en 2020 ? Par ailleurs, le candidat perdant, issu du parti au pouvoir, a très vite reconnu sa défaite.
Il convient de rappeler que SEM. John Dramani Mahama avait été élu Président en 2012, après avoir assuré l’intérim du défunt Président John Atta Mills. Mais, il est sorti perdant de la présidentielle à deux reprises (2016 et 2020). Cela montre qu’on peut bien perdre les élections aujourd’hui et revenir victorieux demain. Autre élément important à relever, c’est que le candidat du parti au pouvoir (Npp), le vice-Président Mahamudu Bawumia, était à sa première tentative. Il est conscient du fait qu’en 2012, la première tentative SEM. Nana Akufo-Addo, Président sortant, n’a pas été fructueuse. Le candidat du Npp savait aussi que dans la sous-région, le Ghana est réputé pour son alternance politique et considéré aussi comme l’exemple d’une démocratie par excellence. Face à ces facteurs, le candidat du Npp n’a pas attendu longtemps pour reconnaître sa défaite. Comme je le disais tantôt, les Ghanéens sont foncièrement attachés à leur pays, pas aux hommes. C’est bien ce que vient de démontrer le vice-Président Mahamudu Bawumia, lorsqu’il a reconnu rapidement sa défaite. Il a montré que l’intérêt supérieur de la nation se trouve au-dessus de sa personne et de son parti politique. Le Ghana a donc un nouveau Président qui prêtera serment ce 7 janvier 2025. Il fait son come-back après un mandat de 2012 à 2016. C’est une fierté pour le continent africain et une preuve supplémentaire de la maturité démocratique de la République du Ghana.
Passons aux relations entre la Côte d’Ivoire et le Ghana. Les autorités des deux pays affirment que la coopération est excellente. Comment cela se traduit-il dans les faits ?
SEM. Nana Akufo-Addo est arrivé au pouvoir en 2017. Quant à SEM. Alassane Ouattara, Président de la République, il avait déjà accédé à la magistrature suprême en 2011. À la tête de leurs pays, nos deux leaders ont fortement contribué à la progression de notre coopération bilatérale. Ils l’ont hissée à un très haut niveau, en s’appuyant sur le Partenariat stratégique signé en 2017. À partir de ce partenariat, le rythme imprimé à nos relations et à la coopération s’est fortement accéléré. Au point que, aujourd’hui, cette coopération constitue un bel exemple dans la sous-région. Pour notre part, nous avons décidé de suivre ce rythme en jouant pleinement notre partition. Certes, l’anglais (langue officielle du Ghana) pouvait constituer une barrière. Mais certaines spécificités propres à nos deux pays ont largement favorisé cette coopération : nous partageons une frontière commune longue de 668 Km (C’est la plus longue de notre pays). Nous avons aussi les mêmes populations, de part et d’autre de cette frontière. On note aussi que, du fait des origines de certaines populations, il y a des mouvements et des brassages ethniques très forts. Compte tenu de toutes ces considérations, je peux dire que la coopération entre la Côte d’Ivoire et le Ghana est excellente.
L’Accord de 2017, comme vous l’avez souligné, a été le point d’ancrage qui a permis aux deux nations de booster leur coopération. De lui découlent plusieurs autres. Quels sont ces autres accords ?
Oui, ce partenariat signé au cours de l’année 2017 est un accord-cadre. Il a permis de générer des accords majeurs, dont l'Initiative cacao Côte d'Ivoire-Ghana (Iccig). Plusieurs partenariats commerciaux stratégiques en ont découlé. En matière de sécurité transfrontalière, nous avons aussi l’Initiative d’Accra, dont la Côte d’Ivoire est membre, à l’instar du Ghana, du Togo, du Bénin, du Burkina, du Niger et du Mali.
Au-delà de l’agriculture, de la sécurité-défense, les deux pays ont ouvert d’autres chantiers de coopération...
En septembre dernier, une joint-venture baptisée African Bitumen Terminal a été concrétisée entre la Société multinationale de bitume (Smb-CI), filiale de la Sir en Côte d’Ivoire et Ghana Oil Company (Goil), par l’inauguration d’un dépôt de bitume à Tema. Ce partenariat permettra à Goil d’assurer un approvisionnement régulier du Ghana en bitume de haute qualité, tout en offrant à la Smb-CI, une plateforme solide pour élargir sa présence sur le marché ghanéen. Ce projet a été salué comme un exemple de coopération Sud-Sud prometteur. De plus, un accord-cadre a été signé entre la Sodexam (Côte d’Ivoire) et GMet (Ghana) dans le domaine de la météorologie. Ces initiatives montrent que le Partenariat stratégique de 2017 continue de produire des résultats concrets et qu’il reste une base solide pour explorer de nouvelles opportunités.
Revenons sur l’Initiative cacao Côte d’Ivoire-Ghana. Actuellement, le prix du cacao a fortement grimpé sur le marché mondial. Peut-on dire qu’il s’agit là d’une retombée de cet accord entre les deux pays producteurs de plus de 60% du cacao dans le monde ?
L’Initiative Côte d’Ivoire-Ghana concernant le cacao est un exemple réussi de mutualisation des efforts pour défendre les intérêts des producteurs. L’instauration, en 2019, du différentiel de revenu décent (prime de 400 dollars par tonne) a été l’un des résultats majeurs de cette coopération visant à garantir un meilleur revenu aux planteurs. La Côte d'Ivoire et le Ghana ont ainsi posé les bases d’une meilleure valorisation de l’or brun à long terme. Depuis la mise en place de cette initiative, le prix du cacao sur le marché international a considérablement augmenté. Cependant, les multinationales continuent de chercher à fragiliser ce système. La Côte d’Ivoire et le Ghana doivent donc préserver leur unité et demeurer proactifs face à ces défis.
Il y a des pays producteurs africains qui frappent à la porte de l’Initiative cacao Côte d’Ivoire-Ghana...
Effectivement, cette organisation est en train d’attirer d’autres pays qui frappent à la porte de l’initiative. Il s’agit notamment du Cameroun et du Nigeria qui, eux aussi, sont des producteurs de cacao. Leur adhésion sera un apport considérable pour les producteurs.
L’avenir semble donc prometteur. Y a-t-il d’autres actions que la Côte d’Ivoire et le Ghana envisageraient, surtout dans le cadre de la transformation de l’or brun ?
Aujourd'hui, il est essentiel d'accroître l'utilisation de cette matière agricole au-delà du chocolat, ce qui nécessite un ferme engagement en faveur de la promotion des sous-produits. Parallèlement, il faut pouvoir augmenter la transformation du cacao. La Côte d'Ivoire y travaille activement, tout comme le Ghana. L'objectif final est de vendre davantage de produits transformés que la fève, matière première brute ! Les deux pays en sont conscients. Toutefois, les autorités des deux nations sont mieux placées pour évoquer les résultats obtenus. À ce jour, nous avons fait des avancées significatives et sommes fermement engagés dans la transformation du cacao à l’échelle locale.
Aujourd’hui, quelles sont les perspectives de coopération entre la Côte d’Ivoire et le Ghana ?
Notre ambition est de faire en sorte que cette coopération soit à l’image de celle qui existe entre la France et l’Allemagne au sein de l’Union européenne (Ue). Nous n’avons aucun doute, nos autorités mettront les moyens (humains, logistiques et financiers) à notre disposition pour atteindre cet objectif. En outre, nous devons dynamiser et diversifier cette coopération. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de faire notamment la promotion du secteur privé. Nos échanges commerciaux, estimés à 1,7 %, se trouvent en deçà des attentes des deux pays, au regard de leurs vastes potentialités. Ainsi, l’année prochaine, nous envisageons de créer une Chambre de commerce et d’industrie ivoiro-ghanéenne et de mettre en place un Forum économique ivoiro-ghanéen. Le sport facteur d’union, de cohésion et de paix, occupera également une place centrale. À ce titre, nous entendons relancer les jeux sportifs ivoiro-ghanéens. Puis, de façon annuelle, nous entendons organiser les « Journées ivoiriennes ». Ce sera l’occasion de promouvoir le tourisme et la culture de notre pays. Nous souhaitons aussi promouvoir les liens profonds entre nos deux nations en mettant en valeur les parcours migratoires des peuples qui, à l’instar des Akan, sont partis du Ghana pour s’établir en Côte d’Ivoire. Et croyez-moi, il y a de la matière. Car plusieurs vagues migratoires se sont succédé au fil du temps (Baoulé, Agni, Sénoufo, Lobi, Bron, etc.).
INTERVIEW REALISEE A ACCRA PAR