Palais royal de Kumasi : Mémoire vivante d’une tradition multiséculaire ! (Reportage)
Le visiteur qui foule le sol de cette capitale ne peut donc pas s’empêcher d’y faire un tour. Du fait, surtout, que cette Cour royale, visage du peuple ashanti, constitue un riche patrimoine, caractérisé par l’immensité et la profondeur de sa culture, de sa tradition et de ses us et coutumes. Nous y étions, le 6 décembre dernier, veille du scrutin présidentiel du Ghana qui a vu le retour au pouvoir de John Dramani.
Logé au cœur de la deuxième ville du Ghana, capitale du monde ashanti, « ce château ancestral est, in fine, le symbole vivant, la manifestation grandeur nature d’un peuple dont l’histoire, la culture et la tradition ont traversé la nuit des temps », explique Kwame Ofori, le guide touristique senior du musée du palais, rencontré sur place.
Il occupe un vaste domaine à perte de vue. Donc vraiment digne d’un vrai palais ou d’une résidence officielle, comme l’est ceux des Chefs d’État africains ou occidentaux. Cette vaste localité est ceinturée, en outre, par une longue clôture aux couleurs rouge et ocre, symboles de la royauté, de la dignité, de la prospérité et de la vitalité. Bien plus, synonyme de puissance, d’ardeur et de force au travail, d’énergie débordante ou de passion. Naturellement d’amour et de solidarité agissante, aussi !
Y avoir accès n’est pas chose aisée. Il faut traverser, en effet, deux, voire trois check-points. L’intérieur est splendide. On y trouve du gazon bien tondu, des palmiers bien alignés au bord de l’artère principale, peints aux couleurs jaune, noir et vert, couleurs du drapeau du royaume ashanti.
Selon le guide sénior, ce drapeau compte trois bandes horizontales: la jaune or qui représente les richesses minières ; la noire, le peuple ashanti et la verte, les forêts bien riches de la région. Il y a aussi l’emblème du tabouret d’or, au centre. « C’est le symbole de l’unité nationale et de l’autorité royale », explique-t-il.
Bâtiments charismatiques
Au sein du Palais, deux bâtiments emblématiques ne passent pas inaperçus. D’une part, le Manhyia Palace Museum qui a été la résidence officielle de l’Asantehene (roi du peuple ashanti) Prempeh I. Cet édifice date de 1925. Construit par l’administration coloniale britannique, il a été offert au roi Prempeh I, à son retour à Kumasi (1924), après des années d’exil forcé aux Seychelles. « Au Ghana, tout le monde le sait, Prempeh I ne l’a accepté qu’après un remboursement total du coût global », nous apprend le guide touristique.
D’autre part, il y a le nouveau palais, œuvre du roi Opoku Ware II, 15e Asantehene de la dynastie du royaume ashanti (1970-1999). Son successeur qui est l’actuelle tête couronnée, Osei Tutu II, réside, aujourd’hui, dans ce somptueux édifice.
Il faut noter que l’architecture qui caractérise ces différents bâtiments est un savant mélange de réalisations traditionnelles ashanti et d’une forte influence coloniale britannique. Avec ces vestiges, se dégage un air d’un passé colonial qui épouse bien l’ère de la modernité. De sorte que l’endroit vous replonge dans la tradition akan, en cette période où règne l’Internet 2.0.
Ici, l’histoire ancestrale du royaume ashanti avec à sa tête son monarque, s’harmonise avec une nation moderne et démocratique. Il n’y a ni rivalité ni tension, à l’horizon. Il existe entre ces deux entités, une complicité qui profite, tout le temps, aux populations et au peuple du Ghana.
Comment a-t-elle pu s’imposer une telle symbiose, cette si grande fusion qui date depuis des lustres? En réalité, l’histoire du royaume ashanti remonte au XVIIe siècle, avec la naissance de l’empire ashanti. C’est le premier roi, Osei Tutu et son conseiller charismatique, Okomfo Anokye, qui ont créé le royaume à travers un symbole fort, celui du trône royal ashanti (le bia, siège doré) qui, dit-on, est descendu du ciel.
Bien organisé (notamment en confédération), politiquement et militairement bien structuré, ce puissant royaume a livré plusieurs guerres. Souvent contre d’autres peuples locaux. Mais surtout contre les colons du Royaume-Uni. Et bien souvent, en leur tenant tête !
Au finish, le royaume qui a existé de 1670 à 1902, puis de 1935 à 1957 et qui était presque un pays à part entière, a fini par fusionner avec le Ghana, lorsque ce pays a accédé à l’indépendance nationale, le 7 mars 1957. On comprend alors pourquoi, le Ghana tient à sa royauté. Mais surtout, pourquoi la coexistence entre État moderne et tradition multiséculaire est si forte !
ENVOYE SPECIAL A KUMASI
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- Musée du Palais royal : plongée dans la tradition ancestrale

Tandis que le nouveau Palais (le 2e) n’est pas ouvert au grand public (car, étant la résidence officielle du roi), le premier, devenu Manhyia Palace Museum, est ouvert à tout le monde. Ainsi, ce patrimoine muséal se présente comme une plongée dans la vie ancestrale et l’histoire lointaine et/ou proche du peuple ashanti.
Comme l’atteste, d’ailleurs, le Guide (livret édité par Otumfuo Ware Jubilee Foundation) qui présente de fond en comble les énormes richesses de ce musée : « l’ensemble des expositions du musée retrace l’histoire des Ashantis, comme un peuple fier et guerrier qui s’est battu bec et ongles pour sa libération, de 1699 à 1701. Ce vaillant peuple a fait, également, plusieurs guerres pour étendre son territoire et protéger ses fils et filles, tout en développant son patrimoine, sa tradition et sa richesse culturelle, pour présenter un niveau d’excellence reconnu à travers le monde entier », explique ce livret.
D’une manière générale, le Manhyia Palace Museum est un bâtiment qui présente deux niveaux. Le rez-de-chaussée : « il avait été utilisé comme le bureau des rois », situe d’emblée le Guide. « Il contient également une grande pièce qui a servi de salon aux différents rois », ajoute le petit livret. Qui précise que cette salle a servi à recevoir des distingués invités qui rendaient régulièrement visite aux rois. Entre autres, les gouverneurs. De plus, à côté se dresse aussi une salle à manger.
A l’étage (the top floor) se trouvent exposés plusieurs attributs royaux, des tabourets, des bagues, des colliers et bien d’autres ornements en or massif. Par ailleurs, le peuple ashanti a une âme de conquérant, il a la guerre dans son sang.
Ce pan de la vie de ce peuple guerrier occupe une place de choix dans cette maison historique. À travers, notamment plusieurs spécimens de fusils utilisés au cours des conquêtes guerrières. On retrouve aussi des épées dont celui de Komfo Anokye, le tout-puissant conseiller mystique du premier roi des Ashanti : Osei Tutu (1695–1712). C’est d’ailleurs ce roi qui a contribué à l’unification des Ashantis.
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- L’incarnation de la puissance du royaume

« C’est impossible ! Car même si les autorités administratives accèdent à votre requête, ils vous feraient passer par des formalités administratives tellement compliquées que vous finirez par jeter l’éponge », a précisé Fuseini Eini Isa, responsable de programmes de cette station basée à Kumasi.
Mais pourquoi prendre rendez-vous avec Sa Majesté s’avère si difficile ? « Simplement, parce que le roi des Ashanti est loin d’être une personnalité lambda ». En réalité, il est le centre du pouvoir. C’est la personnalité la plus influente qui incarne la puissance du royaume.
Cette puissance, c’est avant tout, une organisation politique qui s’appuie sur une confédération qui, à son tour, prend appui sur des provinces et des districts caractérisés par leur autonomie. En plus, l’Asantehene (le roi) a, à sa disposition, une armée constituée d’hommes émanant des différentes provinces. « C’était une armée robuste et puissante », fait savoir le journaliste.
Ce qui fait que, du début du XVIIe siècle, naissance du royaume, jusqu’aujourd’hui (soit plus de 300 ans), ce sont seize rois qui se sont succédé sur le trône. Ce trône, il faut le noter, se trouve symbolisé par un tabouret royal.
Le roi Osei Tutu I a été la première tête couronnée à s’asseoir sur le trône. C’est lui qui a donné l’âme, la force et la puissance qui font la renommée qui dépasse les frontières du Ghana. De sorte que depuis 1999, à la suite du règne de quinze rois, c’est Osei Tutu II qui règne sur le trône. L’année dernière, l’actuel roi des Ashanti avait célébré son jubilé d’argent (25 ans), en présence de hauts dignitaires de pays africains.
Par ailleurs, il ne faut pas passer sous silence le rôle important qu’occupe la reine mère (Asantehemaa), aux côtés du roi. Entre autres, assurer la « légitimité des membres de la lignée royale ». Vraisemblablement, elle reste la deuxième personnalité du royaume.