Cedeao : Préserver l'intégration et la stabilité malgré les divergences

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Cedeao : Préserver l'intégration et la stabilité malgré les divergences

Le 19/03/25 à 14:53
modifié 19/03/25 à 15:06
La Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao), fondée en 1975 pour promouvoir l'intégration économique dans la région, célèbre ses cinquante ans en 2025. Un cinquantenaire marqué par des tensions et des départs.

Le président de la République de Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, a réaffirmé la nécessité de maintenir l'unité de la Cedeao. « Nous sommes mieux à quinze qu'à trois », a-t-il déclaré le 5 mars 2025 en s'adressant aux trois pays de l'Alliance des États du Sahel (AES), qui ont annoncé leur départ de l'organisation. Recevant son homologue ghanéen, John Dramani Mahama, Ouattara a plaidé pour éviter la désintégration de la communauté ouest-africaine.

De l'organisation à la communauté

Selon Abdel-Fatau Musah, commissaire aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité de la Cedeao, l'organisation a évolué en une véritable communauté. « Les réalisations de la Cedeao en cinquante ans se résument à une avancée majeure : nous sommes passés d'une simple organisation à la construction d'une communauté », a-t-il affirmé lors d'un événement aux Nations Unies en juin 2024.

Parmi les acquis notables figure le protocole sur la libre circulation des personnes, des biens et des services, en vigueur depuis 1976. « La liberté de mouvement sans visa au sein de la région est une réussite majeure », a souligné Musah. De plus, la Cedeao a joué un rôle décisif dans la stabilisation de la région, notamment en évitant l'escalade des conflits au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée dans les années 1990.

Sur le plan économique, la Cedeao a facilité la mise en place d'infrastructures énergétiques et routières, favorisant l'intégration régionale. En outre, l'organisation a contribué à l'enracinement des valeurs démocratiques et des droits de l'homme, ce qui fait de l'Afrique de l'Ouest la seule région du continent à ne pas connaître de conflit ouvert de haute intensité, malgré les menaces terroristes.

Un "Brexit" ouest-africain et ses incertitudes

Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont décidé de quitter la Cedeao, officialisant leur départ le 29 janvier 2025. Malgré la mise en place par la Commission de la Cedeao d'un cadre de discussion, le pessimisme demeure. Depuis la signature de la charte du Liptako-Gourma en septembre 2023, ces trois pays, qui représentent 16 % de la population du bloc et 7 % de son économie, semblent déterminés à poursuivre leur chemin en dehors de la Cedeao.

Un retrait préjudiciable aux "dissidents"

Selon Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du Fonds monétaire international (FMI), le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso risque de leur porter préjudice économiquement. « Ces pays, déjà enclavés, feront face à des coûts de transaction commerciale plus élevés », a-t-il expliqué en février 2025.

En outre, la suspension des projets financés par la Cedeao dans ces trois pays représente une perte de plus de 300 milliards de F CFA. Les investissements des institutions financières régionales, comme la Banque d'investissement et de développement de la Cedeao (BIDC) et la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), pourraient également être compromis, mettant en péril des projets d’infrastructures et de développement.

Un impact sur toute la région

Le professeur d'économie à l'université Alassane Ouattara de Bouaké, Séraphin Prao, estime que ce retrait aura des conséquences néfastes sur l'économie régionale. Il anticipe quatre principaux effets.
Il s'agit d'une entrave à la libre circulation des personnes et des biens, compliquant les déplacements et les activités commerciales, notamment pour les millions de ressortissants burkinabés, maliens et nigériens vivant en Côte d'Ivoire; d'une hausse des prix des biens et services due à l'augmentation des taxes douanières entre les trois pays et le reste de la Cedeao; d'un impact négatif sur la balance commerciale, puisque de nombreux produits, notamment les ressources animales, sont issus des échanges intrarégionaux; d'un ralentissement de la croissance économique. Ces trois États représentant près de 15 % du PIB de la zone, leur départ risque de créer un choc pour les investisseurs et de réduire les opportunités d'affaires.
Malgré ces tensions, des voies de dialogue restent ouvertes. Les défis actuels exigent des solutions concertées pour préserver les acquis de l'intégration régionale et garantir la stabilité de l'Afrique de l'Ouest.



Le 19/03/25 à 14:53
modifié 19/03/25 à 15:06