Dr Roseline Somé-Méazieu (spécialiste de la méthode Mère Kangourou): Une activiste pour la survie des prématurés
Dans cette unité de soins, stratégies, plans d’attaque et directives se murmurent comme des berceuses. « Chut, bébé dort », intime-t-on à toute personne qui oserait faire monter les décibels. Ici, les éléments de cette armée spéciale sont des femmes. Ce qui donne au Qg des allures de village où les femmes arrivent avec leurs bébés nés trop tôt ou avec un trop faible poids. Et au milieu de ces combattantes, le général des opérations a parfois des attributs de reine mère.

Mais à l’appellation « reine mère » ou Général, Dr Roseline Somé-Méazieu préfère le surnom de « grand-mère de bébé ». La grand-mère symbolise l’amour, la douceur et les câlins cotonneux. Des qualités qui reflètent mieux la personnalité de cette pédiatre quadragénaire qui est devenue une des premières spécialistes des soins Mère kangourou en Côte d’Ivoire.
La jeune femme a passé son enfance à Bouaké, dans le centre du pays. Elle a fait ses études primaires à l’Epp Broukro 1, puis est entrée au lycée municipal Djibo Sounkalo. Après un baccalauréat série D au lycée jeunes filles de Bouaké en 1997, la bachelière est orientée à la faculté de médecine de l’université Nangui Abrogoua d’Abobo-Adjamé. Elle obtient sa thèse de doctorat d’Etat en 2006.
C’est sûrement aiguillonnée par l’amour du prochain que son choix se porte sur la pédiatrie, une spécialité qui la met au service des êtres les plus fragiles. Et depuis son serment d’Hippocrate, la jeune pédiatre se veut une bonne fée dévouée qui répand la joie et la tendresse sur les berceaux au-dessus desquels elle se penche. Ses supérieurs savent pouvoir compter sur son professionnalisme et son engagement.
En 2018, lorsque les autorités sanitaires du pays doivent choisir un pédiatre pour une formation à la méthode Mère Kangourou en Afrique du Sud, Dr Roseline Somé-Méazieu coche toutes les cases, tant sur le plan professionnel que sur le plan des valeurs intrinsèques. Le casting parfait.
Consciente des objectifs, la jeune pédiatre suit rigoureusement la formation et revient au pays. Les soins Mère kangourou préconisent le « peau-à-peau » comme alternative aux couveuses. Cette méthode prend en charge les bébés nés avant terme et/ou de faible poids, c’est-à-dire un poids compris entre 500g et 2 500g.
Ces nouveau-nés qui ne souffrent pas de maladies particulières sont portés contre la poitrine de leur nourrice de façon permanente ou intermittente pour leur permettre d’être dans une température qui leur convient et de se reposer.
« On n’a pas besoin de grand-chose pour sauver ces enfants qui ne demandent qu’à vivre. C’est une méthode qui leur donne une meilleure chance de survie », assure Dr Roseline Somé-Méazieu. Et les chiffres officiels confirment l’efficacité de ces soins.
Plus de 90% des nouveau-nés qui ont bénéficié de ces soins ont pu être sauvés. C’est un impressionnant taux de survie qui galvanise cette pionnière et qui la porte à faire chaque jour encore un peu plus.
« Je suis une activiste pour la santé des prématurés en Côte d’Ivoire. J’ai décidé de mener cette lutte contre la mortalité néonatale parce que je me dis que ce sont des morts évitables. Il faut aider les mamans à garder leurs petits bébés en vie », explique-t-elle.

Autour d’elle, chaque victoire se mesure au gramme près. Des yeux qui s’ouvrent à la vie, un bâillement, des doigts fragiles d’un bébé qui enserrent son pouce, un début d’espoir ou un sourire qui illuminent le visage d’une mère.
Elle nous raconte l’histoire d’un bébé entré dans cette unité à 980g et qui en est ressorti à 2 000g. Ce fut un beau miracle. Et des miracles comme celui-ci sont désormais possibles, faisant des unités Mère kangourou des constellations d’espoirs pour les familles confrontées à la grande prématurité.
Et partout où une nouvelle vie peut être sauvée par cette méthode, cette activiste répond présent. Elle fait partie des pionniers qui ont formé d’autres praticiens. Contribuant ainsi à multiplier le nombre d’unités de soins sur le territoire national. Elle était, en octobre 2024, à l’hôpital général de Béoumi où elle a formé le personnel de la nouvelle unité de soins Mère kangourou.
Du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) au Fonds français Muskoka, sans oublier des clubs services, on salue le leadership de cette praticienne qui a permis d’optimiser cette pratique qui non seulement améliore les résultats néonatals, mais renforce également le lien entre la mère et l’enfant dans un contexte souvent difficile.
Plus que des chiffres, de belles victoires pour la vie qu’elle évoque avec une fierté légitime et surtout avec beaucoup de bonheur. « Pour chaque enfant sauvé, une mère heureuse », se réjouit la pédiatre.
Dr Roseline Somé-Méazieu est une sacrée veinarde. Au soir de sa vie, elle pourra dire: j’ai contribué à sauver des milliers de vies et à redonner le sourire à autant de familles. Chaque vie valant mille trophées, mille diadèmes pour couronner cette reine au service des êtres les plus fragiles. Peut-on donner meilleur sens à son existence ?