Professeur Sê-Thou et les putschistes de Tiburce Koffi: Diallo Ticouaï Vincent se remet sur les planches

Diallo Ticouaï Vincent. (Ph: Dr)
Diallo Ticouaï Vincent. (Ph: Dr)
Diallo Ticouaï Vincent. (Ph: Dr)

Professeur Sê-Thou et les putschistes de Tiburce Koffi: Diallo Ticouaï Vincent se remet sur les planches

Le 11/04/25 à 14:25
modifié 11/04/25 à 14:41
Acteur et metteur en scène, Diallo Ticouaï Vincent ne veut pas laisser mourir le théâtre. Il donne l'occasion à sa toute nouvelle compagnie, ''La Comédie ivoirienne'', d'en faire la démonstration, les 11 et 12 avril, au Palais de la culture, avec la pièce tirée de l'œuvre de Tiburce Koffi.
Après la costumière, la grande sortie de la Fédération ivoirienne de théâtre professionnel, peut-on dire, avec la représentation de la pièce tirée de l’œuvre de Tiburce Koffi sur les planches...

Effectivement, c’est le baptême de la nouvelle compagnie que j’ai créée, « la Comédie ivoirienne ». A l’instar de la Comédie française, ‘’La comédie ivoirienne sera dotée de tous les organes qu’il faut, pour que sa place dans la société ivoirienne soit équitable.

La Comédie ivoirienne est une troupe qui s’occupera du patrimoine national des grandes pièces que nos aînés, tels que Bernard B. Dadié, Zadi Zaourou, ont laissées. Nous allons les mettre en scène pour que les jeunes sachent que le théâtre a été conçu par des professeurs, des docteurs qui ont participé à sa vie, à son animation en Côte d’Ivoire.

Et puis, les répertoires tels que ceux de Zadi Zaourou, Bernard Dadié et autres ne peuvent pas mourir. Ce serait égoïste d’exister après eux et de ne pas les mettre en valeur.

Nous avons donc pensé qu’à côté du Soleil des Cocody, l’une des plus vieilles troupes, il fallait mettre une compagnie qui aura pour mission d’interpréter les pièces du répertoire national, mais aussi de mettre en scène les grands acteurs de Côte d’Ivoire, c’est-à-dire la crème des acteurs.

Cette compagnie n’a pas d’acteurs permanents, mais quand il y a un projet de production de grandes pièces, elle fait appel à tous les acteurs de Côte d’Ivoire, une audition se fait pour sélectionner les meilleurs, selon le profit du personnage et puis, on les intègre dans la création.

L’on doit donc s’attendre à de grandes pièces ?

La Côte d’Ivoire doit s’attendre à avoir de grandes pièces qui vont édifier la mentalité des jeunes, faire en sorte qu’ils abandonnent le langage de la rue, le français facile, pour parler un français qui s’appuie sur nos ethnies, parce que lorsque nous respectons nos ethnies, cela déteint sur le français. Or, il se trouve que beaucoup ne comprennent même pas leur langue, donc ils n’ont pas d’assise. Regardez par exemple, un jeune musulman qui va à l’école coranique, quand il finit sa formation, son langage est structuré, parce que tous les proverbes qu’il donne sont en rapport avec les sciences qu’il a apprises, donc la langue même s’appuie sur d’autres langues pour se mettre en valeur.

Nous allons donc essayer de revenir aux fondamentaux, pour que tous les jeunes de Côte d’Ivoire qui aiment le théâtre et qui veulent embrasser le théâtre puissent comprendre que c’est un riche patrimoine.

Nous commençons cet envol par une pièce d’un auteur difficile, pointu, rigoureux, en la personne de Tiburce Koffi, pour le baptême de cette compagnie. Jouer sa pièce est un risque, un pari que nous avons pris, mais je me mets sous le couvert de la liberté du metteur en scène qui peut adapter la pièce à sa façon, la mettre en scène tout en respectant de façon stricte, ce qui est écrit, le sens et la direction.

Pourquoi avez-vous choisi cette pièce pour commencer ?

D’abord concernant la communication, Tiburce est une célèbre personnalité, connue et reconnue partout. Tant dans le milieu journalistique qu’au niveau de la plume et de la communication, il est reconnu comme un grand dramaturge de Côte d’Ivoire. Il a écrit beaucoup de pièces qui n’ont pas toujours été portées par de grandes compagnies. C’est donc une façon pour nous de lui rendre hommage, de dire au monde entier qu’il écrit beaucoup, qu’il aime le théâtre, qu’il aime la jeunesse. Ses pièces ont décroché beaucoup de prix, mais n’ont jamais été portées par des troupes professionnelles comme nous. Nous lui donnons l’occasion de voir sa pièce interprétée par la crème des acteurs de Côte d’Ivoire parce que c’est un grand, il a une belle écriture et il mène un bon combat.

Quel est ce combat dans cette pièce ?

Il avertit ! Déjà par son titre, on peut déjà imaginer le contenu de la pièce. ‘’ Professeur Sê-Thou et les putschistes’’ est une belle pièce qui dénonce les pratiques antidémocratiques que sont le coup d’État ou les coups de force. On leur donne les noms qu’il faut, mais ce qui est sûr, ces pratiques ne respectent pas le cheminement normal, démocratique qui permet à quelqu’un d’accéder au pouvoir.

Le sujet est beau parce que ça nous permet de justifier un peu notre choix. La Côte d’Ivoire a connu une crise profonde, les pays aux alentours connaissent actuellement des crises profondes et toutes ces situations sont créées par des coups d’État, les gens meurent, le sang coule ; nous disons qu’il faut arrêter.

Nous avons donc voulu jouer cette pièce pour sensibiliser les populations aux conséquences d’un coup d’État. Elles doivent comprendre que le coup d’État n’est pas bon, quelle que soit sa nature, quelles que soient les raisons qu’on lui donne et c’est ce que nous dénonçons dans la pièce.

« Professeur Sê-Thou » c’est une pièce qui se joue à trois personnages, mais le metteur en scène s’est dit, des militaires qui vont chercher un civil pour le mettre au pouvoir, ils ne sont pas que deux. C’est donc une adaptation, la liberté du metteur en scène. Je dis toujours que c’est une réécriture, c’est une belle écriture qui renforce ce qu’il y a. Depuis ma formation en France, j’ai compris que l’écriture scénique existe. Donc, nous ferons de cette pièce une écriture scénique. Parce que c’est une belle pièce bien écrite que nous écrirons sur la scène.

Comment l’écrirez-vous ? Quel besoin avez-vous de la réécrire ?

Je vais vous dire pourquoi. Lorsque vous prenez le livre en tant que tel, tout ce que nous allons inventer n’existe pas, on nous parle d’un monsieur qu’on vient chercher, on vient le chercher où ? Dans son salon ? Comment ils s’y prennent ? Quelle est la démarche ? Comment on crée tout ce bruit qu’il y a autour, on crée le temps, les moments, comment tout ceci est inventé alors que ce n’est pas dans le livre ? C’est à ce moment-là que nous écrivons et nous complétons, nous accompagnons ce qui est écrit.

Si on dit que monsieur se trouve dans son salon, la couleur du salon n’est pas précisée. Ce n’est pas écrit, ce n’est pas dépeint, c’est dans quel fauteuil ? Quand on parle de bibliothèque, c’est quelle bibliothèque ? Donc c’est une invention que nous faisons, qui s’accorde avec les indications du livre et non des indications au niveau de la conception scénographique, de la lumière, du son, du bruitage.

C’est pour ça que nous disons que c’est une nouvelle écriture qui vient mettre en valeur beaucoup plus ce qui est écrit. On a toujours dit que l’écriture est morte, la lettre est morte, le théâtre la fait vivre. Une représentation, une mise en scène met en mouvement ce qui est écrit, c’est une écriture.

Quelle est la trame de l’histoire ?

Monsieur le « Professeur Sê-Thou » est un homme fermé à la société parce qu’il est déçu des pratiques dites démocratiques, des pratiques de copinage, de népotisme. Il ne veut plus en entendre parler. C’est un savant qui est dans son coin, dans sa villa, quelque part dans la ville et qui ne s’occupe plus de ce qui se passe. Des jeunes gens ont fait leur coup, mais il faut quelqu’un pour présider la nation. Ils vont le chercher. Ils pensaient que c’était une affaire facile, ils allaient le prendre facilement et faire de lui le président et ce dernier allait bondir sur l’occasion. Malheureusement, c’est compliqué. Voilà un peu la trame que nous allons dérouler en 1h15 minutes.

Après ce spectacle, on pourra parler du retour du théâtre...

Oui, ça c’est le baptême de la compagnie ‘’ La Comédie ivoirienne’’. A cet effet, je voudrais profiter de votre canal pour remercier la ministre de la Culture et de la Francophonie qui nous accompagne dans ce combat. Ce n’est pas facile. On n’a pas accès aux grands médias, mais elle nous accompagne comme elle peut, elle nous a offert une nouvelle salle. Le théâtre est donc déjà de retour. Les jeunes gens prennent d’assaut la salle Niangoran Porquet du Palais de la culture et tous les week-ends, il y a du théâtre, du conte, du slam et autres. Ce qui veut dire que ça commence à venir. Mais quand ça va bien mûrir, la province sera arrosée. Mais il faut avoir de gros moyens.

Entretien réalisé par


Le 11/04/25 à 14:25
modifié 11/04/25 à 14:41