Conflits dans le monde, intégration africaine, relations avec la Türkiye...: Léon Kacou Adom fait le point

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Conflits dans le monde, intégration africaine, relations avec la Türkiye...: Léon Kacou Adom fait le point

Au terme du Forum de la diplomatie d'Antalya qui s'est déroulé du 11 au 13 avril, le ministre ivoirien des Affaires étrangères, de l'Intégration africaine et des Ivoiriens de l'extérieur, Léon Kacou Adom, a appelé au dialogue et à l'intégration des peuples, surtout africains.
Pendant trois jours (du 11 au 13 avril), Antalya, la ville balnéaire turque, a été la capitale de la diplomatie du monde. Monsieur le ministre, à votre arrivée le 11 avril, vous avez dit que vous étiez porteur d’un message de paix. Avez-vous le sentiment qu’en partant d’Antalya, votre message a été perçu ?

Je le crois sincèrement. Si cela a été le contraire, c’est dommage. L’objectif, de façon générale, de ce forum, c’est de faire le constat que rien ne marche et de tout faire pour trouver des moyens d’agir afin que tout recommence à marcher de nouveau, comme il se doit. S’il était inutile de le réaliser, alors il était inutile pour nous de venir ici. Nous avons eu beaucoup de contacts avec des collègues, des structures de recherche et tous ont pensé que c’est par la diplomatie que nous pouvons retrouver très vite le chemin de la paix.

Au cours de ce forum, vous avez eu une approche de proximité avec plusieurs ministres des Affaires étrangères, des diplomates et diverses autres structures. Que peut-on retenir des audiences que vous avez accordées ?

Nous pouvons retenir que tout le monde est conscient que si nous ne faisons rien, notre monde ira à sa perte. Nous pensons que, dans un avenir proche, les armes vont se taire sur le sol ukrainien pour que nous puissions aussi nous pencher sur certains conflits dans le monde, notamment au Soudan. Il y a aussi le conflit qui a trop duré entre nos frères congolais. Cette crise est pénible pour le Président de la République, Alassane Ouattara. Il souhaite très vite que ce conflit s’arrête afin qu’ensemble, on puisse aller de façon solidaire au développement de l’Afrique.

Vous repartez d’Antalya avec quelles nouvelles dans vos bagages?

La première nouvelle est que le monde est de plus en plus conscient qu’il est fragmenté. En moins de cinq ans, le nombre de conflits dans le monde a quasiment triplé. Cela est gravissime, si nous pensons que nous devons continuer sur cette lancée. Il y a une prise de conscience. C’est pourquoi nous nous retrouvons ici aujourd’hui. Les décideurs de ce monde ont compris que les armes n’ont jamais réglé les problèmes. Seul le dialogue, l’arme des forts en réalité, permet d’aller à la paix. En tout état de cause, comme disait un sage africain, un Ivoirien, si au début d’une crise, vous ne prenez pas la peine de dialoguer et que vous allez à la guerre, quels que soient les gains que vous obtenez sur le théâtre des opérations, vous reviendrez pour obtenir cette paix par le dialogue. Autant commencer par le dialogue. C’est ce message que nous sommes venu porter à nos amis à Antalya.

Lors d’un panel qui avait pour thème : « Le rôle croissant de l’Afrique dans la politique mondiale » auquel vous avez participé, vous disiez que pour que l’Afrique puisse aller au développement, il faut une meilleure intégration et faire preuve de bonne gouvernance. Ces deux aspects suffisent-ils pour le développement du continent noir ?

Si on applique correctement ces deux propositions, on aura fait un grand pas. Une fois que la bonne gouvernance existe et que d’autres aspects utiles qui contribuent au développement sont mis en place, nous ne pouvons qu’aller à la paix. Or, la paix est le préalable à tout développement. Si possible, dans une perspective de solidarité. Les pères fondateurs et l’un de leurs dignes successeurs, le Président Ouattara, celui que nous connaissons le plus et le mieux, ne disent pas autre chose que s’unir pour bâtir. D’où cette assertion : « Nous sommes mieux à 15 qu’à 3 ». C’est l’union qui fait la force.

N’empêche, il existe encore des entraves à cette intégration, notamment la libre circulation des biens et des personnes. Comment peut-on arriver à faire sauter ces verrous ?

La Côte d’Ivoire respecte les accords qu’elle a signés. Nos frontières sont ouvertes à la libre circulation des biens et des personnes. Notre souhait est qu’il en soit de même pour tous les autres pays. Afin qu’il n’y ait plus d’entraves à la bonne circulation des biens et des personnes.

En matière d’intégration, la Côte d’Ivoire a fait beaucoup de progrès avec l’autoroute Abidjan-Lagos qui a progressé jusqu’à Assouindé. Au nord, l’autoroute est aux portes de Katiola. On ne sent pas cet engouement ailleurs. Quel est le message que vous portez à vos homologues de la sous-région afin qu’il y ait cette intégration ?

Il y a un dialogue qui existe entre nous. Je pense qu’ils finiront par comprendre que dans leur intérêt, c’est de s’allier à nous pour avancer.

Qu’en est-il du partenariat que l’Otan veut nouer avec la Côte d’Ivoire ?

Il s’agit d’une proposition de coopération avec l’Otan. Nous allons naturellement étudier ce projet. C’est un premier contact. Nous verrons l’utilité de ce partenariat. Nous ferons ce partenariat dans l’intérêt de la Côte d’Ivoire.

Cela est-il envisageable ?

Toute forme de coopération est envisageable. Cela dépend de deux choses. La prise en compte de l’existence de notre souveraineté et puis cela doit répondre aux attentes de la Côte d’Ivoire pour entretenir son destin. Nous allons analyser cette coopération à l’aune de nos intérêts.

Quel est l’état des relations entre la Côte d’Ivoire et la Türkiye ?

Nos relations sont très bonnes dans tous les secteurs. La coopération dans les secteurs économique et commercial ne cesse de progresser, d’année en année. Nous avons également la coopération dans les secteurs culturel, éducation-formation, de la santé... Il y a 500 étudiants ivoiriens en Türkiye, dont plusieurs bénéficient d’une bourse de l’État turc. Nous amorçons une approche en termes de sécurité.

Le père de la nation ivoirienne, Félix Houphouët-Boigny, a dit que la Côte d’Ivoire est l’amie de tous et l’ennemie de personne. Comment cette philosophie se traduit-elle dans votre gestion au quotidien ?

La traduction de cette philosophie découle de la façon dont le Chef de l’État lui-même la traduit au quotidien. Il faut savoir que les Affaires étrangères sont consubstantielles au fonctionnement de la Présidence de la République. Le chef de la diplomatie, c’est le Président de la République, Alassane Ouattara. C’est lui qui nous concède une partie de ses prérogatives. Nous ne pouvons rien faire qui ne soit approuvé par lui. Nous ne faisons que ce qu’il nous demande de faire.

À quoi les diplomates doivent-ils s’attendre avec Léon Kacou Adom à la tête de leur département ?

Bientôt, cela fera deux ans je suis à la tête de ce département ministériel. J’ai fait toute ma carrière au ministère des Affaires étrangères et plusieurs diplomates me connaissent, et même très bien. C’est à eux de répondre à cette question. Au quotidien, je donne le meilleur de moi-même pour la satisfaction de mes supérieurs hiérarchiques, de mes collaborateurs et collègues diplomates. Je dois faire en sorte que tous les diplomates se sentent à l’aise dans l’exercice de leurs fonctions.

Vous repartez d’Antalya heureux ?

Vous savez, le bonheur est une notion relative. Je suis plutôt optimiste. Je préfère ce terme. Même si, quelque part, les termes bonheur et optimiste se rejoignent. Vous êtes optimiste parce que vous êtes heureux. Et c’est parce que vous êtes heureux que vous êtes optimiste. Je préfère être optimiste parce que l’optimisme me fait vivre. Or, nous avons besoin de vivre.

Interview réalisée à Antalya (Türkiye) par

Adama KONÉ

Et Patrick N’guessan