Nouvelle réglementation de l’Ue sur le cacao durable/Francesca Di Mauro (ambassadrice de l’Ue): "Elle vise à arrêter l’importation de produits issus de la déforestation"

Francesca Di Mauro, ambassadrice de l’Union européenne. (Ph: Dr)
Francesca Di Mauro, ambassadrice de l’Union européenne. (Ph: Dr)
Francesca Di Mauro, ambassadrice de l’Union européenne. (Ph: Dr)

Nouvelle réglementation de l’Ue sur le cacao durable/Francesca Di Mauro (ambassadrice de l’Ue): "Elle vise à arrêter l’importation de produits issus de la déforestation"

Le 14/08/24 à 06:39
modifié 14/08/24 à 06:39
L’Union européenne veille au respect des bonnes pratiques dans la cacaoculture en Côte d’Ivoire. Et à compter de 2025, une nouvelle réglementation sur la durabilité du cacao entrera en vigueur. Que dit exactement cette réglementation ?

Le règlement va entrer en vigueur au milieu de cette année pour les petits importateurs. Et il s’applique à sept produits dont cinq sont produits en Côte d’Ivoire. Notamment le café, le cacao justement, l’hévéa, l’huile de palme, le bois. C’est un règlement qui vise à arrêter l’importation de produits qui sont issus de la déforestation. Parce que beaucoup de ces produits sont la cause de la déforestation dans le monde. Avec ce règlement, nous sommes en train de faire en sorte que tout ce qui est importé vers l’Union européenne ne soit pas issu de la déforestation. Et ne participe pas non plus à la dégradation de la forêt.

A vous écouter, cela voudrait dire que tous les produits qui seront issus de la déforestation ne seront plus acceptés sur le sol européen ?

Bien sûr, il faudra prouver que les produits à importer viennent de parcelles agricoles sur lesquelles il n’y a pas eu de déforestation après décembre 2020. Et les producteurs doivent aussi justifier que la production est faite de manière légale. C’est-à-dire qu'elle respecte les droits et toutes les lois du pays dont elle provient. Je parle notamment de la loi sur l’école obligatoire qui impose que les enfants soient dans le système scolaire jusqu’à 16 ans. C’est une des lois fondamentales. Cela voudrait dire que les droits des enfants sont respectés et que leur travail n’est pas autorisé dans la production du cacao et des autres produits que j’ai mentionnés. Le règlement ne discrimine pas par rapport au pays parce qu’il s’impose aussi à ce qui est produit dans l’Union européenne. C’est en fait une ambition pour l’Union européenne de devenir en 2050 le premier continent à très faible émission de gaz à effet de serre.

Certains producteurs s’inquiètent de cette nouvelle réglementation qui leur impose une nouvelle manière de travailler. Ils craignent que leurs productions ne puissent pas être vendues dans l’Ue.

Déjà, il faut savoir que ce sont 60% du cacao produit en Côte d’Ivoire qui vont vers l’Union européenne. Donc c’est clair que nous sommes le marché le plus important. Il y a d’autres continents, mais l’Ue reste le plus important. Nous savons aussi que la Côte d’Ivoire s’est dotée d’une stratégie nationale de cacao durable. De ce fait, nous n’imposons rien. Puisque la Côte d’Ivoire elle-même veut rendre son cacao plus durable et cette stratégie nous parle de durabilité environnementale. Il faut donc arrêter la déforestation. Puisque là aussi, la lutte contre le travail des enfants est introduit dans ces stratégies nationales. C’est-à-dire avoir un prix juste, un prix décent pour les producteurs. Nous pouvons donc dire que la Côte d’Ivoire figure parmi les pays qui sont pour le moment les mieux préparés à ce règlement. Parce qu’eux-mêmes veulent faire avancer la durabilité de ce secteur.

La réglementation va mettre un frein à la création de nouvelles plantations, obligeant les producteurs à se contenter des champs qui existent déjà. Ces derniers auront-ils le même rendement ? Pourront-ils produire plus de cacao en ne faisant pas de nouvelles plantations ?

Il y a un problème en Côte d’Ivoire. Des plantations ont déjà un certain âge. Donc la productivité diminue, elle est en baisse. C’est pourquoi nous avons mis en place une série de programmes. Dont celui avec notre partenaire Enabel (Agence belge de développement) qui est l’agence de mise en œuvre. Elle travaille avec les coopératives pour renforcer la productivité des champs. Aussi, elle conseille des pratiques beaucoup plus respectueuses de l’environnement comme l’agroécologie ou l’agroforesterie. Cela veut dire revenir à une plantation de cacao qui accole la forêt pour arriver à l’agroforesterie. Enabel organise mieux les coopératives, les agriculteurs, les planteurs en coopérative. Ce qui va leur permettre d’avoir un pouvoir de négociation plus fort, plus élevé, donc de meilleurs prix.

On peut donc dire que l’Union européenne ne laisse pas la Côte d’Ivoire seule dans cette aventure ?

Exactement, l’Union européenne a déjà engagé un dialogue à tous les niveaux. Au plus haut niveau avec le Premier ministre autour du cacao durable. Et nous avons un accompagnement qui se chiffre autour de 37 millions d’euros. Cet appui va encore augmenter avec un nouveau programme de croissance inclusive. Mais si nous regardons tout ce que font les autres Etats membres en format équipe Europe, la France, la Belgique, l’Allemagne et la Suisse, nous arriverons à un montant pour l’initiative équipe Europe cacao durable de 400 millions d’euros. Cela veut dire que depuis très longtemps, nous appuyons ce secteur et nous continuons à l’appuyer et à tout mettre en œuvre pour que le cacao continue à arriver sur le marché européen.

Interview réalisée par


Le 14/08/24 à 06:39
modifié 14/08/24 à 06:39