Portrait/Maria Dion-Gokan : Comme une fève torréfiée

L'approche innovante de Maria Dion-Gokan dans la transformation du café lui a valu plusieurs prix. (Ph: Abdoulaye Coulibaly)
L'approche innovante de Maria Dion-Gokan dans la transformation du café lui a valu plusieurs prix. (Ph: Abdoulaye Coulibaly)
L'approche innovante de Maria Dion-Gokan dans la transformation du café lui a valu plusieurs prix. (Ph: Abdoulaye Coulibaly)

Portrait/Maria Dion-Gokan : Comme une fève torréfiée

Le 24/08/24 à 14:32
modifié 24/08/24 à 14:32
Lauréate du prix national d'excellence de la meilleure ivoirienne de la diaspora, cette afro-caféologue s'est assignée la mission de (re)donner au café, toutes ses lettres de noblesse à travers une démarche innovante et une gamme de produits variés.
La sélection a toujours été corsée. Mais celle qui a ravi la première place a su répandre les effluves de l’une des boissons les plus cotées au monde, des bords de la Seine aux berges de la lagune Ébrié.

Elle, couleur café, sourire éclatant, le verbe aromatisé d’une connaissance pointue de sa passion pour la cerise de l’arbre qui fut introduit en Côte d’Ivoire au 18e siècle, se nomme Maria Dion-Gokan.

Fondatrice de la marque « Rituel café », Maria Dion-Gokan, installée en France depuis près de deux décennies, a été sacrée meilleure ivoirienne de la diaspora au Prix national d’excellence 2024.

Une reconnaissance qu’elle savoure comme on sirote un expresso. Son approche innovante dans la transformation de la fève brune lui avait déjà valu des lauriers dont la médaille d’or au « World coffee challenge » qui a eu lieu en Espagne et le prix Marie L’or d’Ivoire 2023, en Belgique.

En ce début d’après-midi du 8 août, dans les locaux de Fraternité Matin, à Adjamé, la jeune dame de 1,73 m sous la toise s’est présentée à nous en mode café. Teint d’ébène, cheveux à la garçonne, robe noire, mocassins luisants et chaussettes de la même teinte, elle est « fière » de nous brandir le trophée très envié qu’elle a remporté trois jours plus tôt.

Assez vite, notre entrevue prend les allures d’un cours sur le café. Le verbe posé et les manières délicates, Maria, qui se définit comme afro-caféologue (parce qu’elle traite essentiellement des cafés d’Afrique, Ndlr), nous parle de «torréfaction», de « différence » entre l’arabica et le robusta, «d’onctuosité», de «notes florales», de «goût,» de «parfums»...

En l’écoutant parler avec autant d’érudition du fruit qui a attisé sa passion, de l’origine du caféier, de l’histoire de cette plante et de sa transformation, on ne peut qu’être tenté de boire sa tasse de... café. Et s’étonner qu’elle la manie avec tant de savoir-faire, pour une personne qui s’est lancée dans la filière il y a à peine six années.

Parfum captivant

Rien ne prédestinait pourtant cette femme née d’une mère médecin dermatologue et d’un père ingénieur des Télécoms à devenir caféologue. Après l’obtention de son baccalauréat en 1997, Maria qui rêve d’une carrière dans la finance et l’économie s’envole pour le Maroc afin de poursuivre ses études dans une école de commerce.

Ce séjour sera sanctionné par un diplôme en audit. Mais, ambitieuse, elle veut ajouter plusieurs autres lignes à son curriculum vitæ. Elle s’inscrit donc dans une autre école, à Strasbourg, en 2002. Puis, enchaîne les parchemins : un Master en Audit, un autre en Stratégie d’entreprise.

À la fin de son cursus académique, elle trouve rapidement un boulot. Pendant plus d’une quinzaine d’années, elle va travailler dans plusieurs entreprises en France.

La jeune cadre mène certes une belle carrière professionnelle, mais sans saveur pour elle. Maria ressent le besoin de créer quelque chose de «plus personnel» et de plus corsé. Sortir de la routine métro-boulot-dodo et concocter soi-même quelque chose.

« J’avais envie d’être impactante. En tant que salariée, j’avais le sentiment de ne pas l’être suffisamment », nous confie-t-elle. Et un jour de l’an 2018, les effluves de la fève brune la sortent de son train-train et elle décide de suivre les senteurs captivantes de l’un des produits de rente qui fait la renommée de sa Côte d’Ivoire.

Démission, formation, immersion dans les plantations sur le continent, rencontres avec des producteurs, recherche des meilleurs crus de café issus d’Afrique, présence assidue aux foires et salons dédiés à la pépite noire... Maria veut tout goûter.

Sa décision est accueillie avec circonspection par « certains » de ses proches. Mais, convaincue d’être sur la bonne voie, « celle de son épanouissement et qui est en adéquation avec sa personnalité et son tempérament », Maria poursuit son chemin sans compter le temps ni les sacrifices.

Après plusieurs formations auprès de grands maîtres, elle fonde son entreprise. Le résultat du choix de ce chemin de traverse et de l’abnégation qui est allée avec a pour noms : cascara ou infusion, sirops, bougies, miel de fleurs de caféiers, savons, gommages pour le corps, etc., et tout cela à base de café.

Quand elle n’est pas en France, cette militante prosélyte de la deuxième boisson la plus bue au monde après l’eau prêche la bonne parole tous les vendredis et samedis dans les locaux de son entreprise aux Deux-Plateaux.

« Le café a tellement de vertus et offre tant de possibilités de transformation qu’il faut l’inculquer à nos concitoyens. En Côte d’Ivoire, bien que le pays soit un grand producteur de café, on n’en consomme pas suffisamment. Seulement 0,5 kilo par an et par habitant contre dix fois plus en France qui, pourtant, n’est pas productrice de café », relève la caféologue.

Marque éthique

Cette maman de deux enfants est consciente de l’importance du challenge. Aussi mesure-t-elle à sa juste valeur le Prix national d’excellence 2024 de la meilleure ivoirienne de la diaspora reçu des mains du Chef de l’État.

« Je tenais un stand à la station Afrique des Jeux olympiques de Paris lorsque j’ai reçu l’heureux appel. Deux jours après, j’étais à Abidjan. J’ai reçu ce prix comme la reconnaissance de la nation à mon travail. Mes efforts et sacrifices consentis n’ont pas été vains ».

À Paris où elle vit, Maria se félicite que ses produits commencent à être appréciés par les Français qui « découvrent quelque chose de différent ». Ce qui séduit dans sa démarche, souligne-t-elle, c’est que « je travaille pour une marque éthique engagée dans une économie solidaire et circulaire, dans le respect de l’homme et de l’environnement ». Cela explique son intransigeance dans le choix des produits. Chaque grain de café provient de plantations certifiées.

Le leitmotiv de Maria : offrir le meilleur café, celui qui laisse aux papilles gustatives et à l’odorat, une expérience sensorielle unique.


Le 24/08/24 à 14:32
modifié 24/08/24 à 14:32