Mobile money : Une inclusion financière qui impressionne même les banques
Mobile money: Une inclusion financière qui impressionne même les banques
Mtn mobile money, Orange money, Moov flooz money, etc. En tout cas ces agences de transferts d’argents ont pignon sur rue à Abidjan et dans les autres villes de la Côte d’Ivoire. Spécialisées dans les émissions et les retraits d’argent, ces lieux sont pris d’assaut par bon nombre d’Ivoiriens qui voient en cette nouvelle forme de transaction financière une méthode plus pratique et plus adaptée.
« Moi, je ne vais plus jamais mettre les pieds à la banque. Qu’ils bloquent mes 20.000 Fcfa encore là-bas, ce n’est pas grave. Mais je préfère les agences mobile money que les banques commerciales qui ne sont même pas réceptives », martèle Djakis, un client rencontré dans une agence Mtn mobile money dans le quartier de Yopougon-Siporex. « Ce qui me décourage le plus, ce sont les longues files d’attente », ajoute-t-il dans un français approximatif. Il était habillé d'un sous corps de couleur blanche, un pantalon jean bigarré, avec des dreadlocks. « Nous allons prélever 100 Fcfa, vous êtes d’accord ? », lui demande la gérante de l’agence. « Je préfère payer 100 Fcfa comme frais que d’aller passer plusieurs heures dans une banque », répond Djakis à la dame. Qui, de sa cabine, une salle séparée de celle des clients avec un petit guichet de 10 Cm2, tend à son client la somme du retrait. Elle, on ne voit que le visage. « Au suivant », lance-t-elle. Ce lieu de transfert d’argent, malgré le manque de commodité (absence de chaise), grouille de clients. Ceux-ci sont obligés d'attendre dehors à cause de l’air suffocant.
En effet, les lieux de transactions financières en Côte d’Ivoire naissent chaque jour, dans chaque ville, chaque quartier. Mais ces espaces ne désemplissent pas. En plus des petits commerçants et contractuels des zones industrielles, ils accueillent nombreux fonctionnaires et cadres du secteur privé. « Je dois toujours recharger mon compte mobile money à cause des prestataires que je sollicite pour mes chantiers, surtout qu’aujourd’hui transporter de l'argent sur soi est un risque », se justifie Parfait Adetole.
Youssouf Koné, lui, prétend que sa banque invente des taxes pour lui soutirer chaque fin de mois de l’argent. « Je devais encaisser un montant, lorsque je suis allé retirer la somme, je me suis rendu compte qu’on m’avait prélevé une somme considérable ». Refusant de nous donner le montant, il souligne cependant qu’il a vidé son compte pour le mettre sur son compte mobile money, « Là, je contrôle bien mes finances et je peux à tout moment me rendre dans une agence de mon quartier pour une opération ». Pour lui, le client gagne en rapidité et en coût de transport pour le mobile money.
Considéré comme un outil impressionnant de l’inclusion financière et l’un des meilleurs moyens de financement de l’économie que l’Afrique en général et la Côte d’Ivoire en particulier, ait réussi,les transactions sur le mobile rapportent en moyenne 7 à 8 milliards Fcfa/jour au pays, pour 7 millions de personnes utilisant ce mode de paiement sur 21 millions d’abonnés à la téléphonie mobile. Un bon bilan provisoire pour le ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication dans la politique de promotion des Tic.
Pour certains experts financiers comme Thierno Seck, président fondateur de Sefima advisory services, l’expansion du mobile banking est la réponse à l’insuffisance du taux de bancarisation en Afrique (-15%). Cela montre aussi que le schéma classiques des banques a des limites, disait-t-il, lors d’un panel sur le thème: « Système d’information, mobile banking et enjeux de la bancarisation », à Africa Banking Forum (Abf 2013) à Abidjan.
Les experts financiers présents à ce forum avaient justifié l’importance de ce nouvel outil de transaction financière. « L’un des facteurs importants est que le mobile banking peut apporter une certaine éducation financière au client », indiquait la responsable des affaires européennes et internationales de la Fédération française des banques, Estelle Brack. Ajoutant que l’utilisateur du mobile banking acquiert une certaine autonomie financière et tient en main sa gestion.
En effet, l'ascension fulgurante de ce secteur n’a laissé personne indifférent, à telle enseigne que l’Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire (Apbef-ci) parlait de percée fulgurante du mobile banking dont le taux de pénétration (80%) est plus puissant que celui des banques traditionnelles (14%). Car, dans la zone de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), la Côte d’Ivoire est le pays où le taux de pénétration de la banque mobile est le plus élevé (> 50).
A la différence des banques traditionnelles et microfinances, les agences de mobile banking ont des heures d’ouverture très prolongées (de 7h à 17h, excepté dimanche). Certains font 24h/24. C’est le cas d'une agence située à Yopougon-Ananerais, dans les environs du carrefour barrique. Devant cette agence au rez de chaussée d’un immeuble, il est dressé un chapiteau qui sert de lieu d’attente des clients. Une porte blindée et un vigile sont les seuls moyens de sécurité de ce lieu qui est toujours bondé de monde.
L’un des faits remarquables du mobile money remonte à 2013 où le concours start-up de "Cgeci Academy" organisé par la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (Cgeci) a récompensé comme lauréate, une actrice de ce nouveau mode de paiement, en la personne de Patricia Zoundy épouse Yao. Son projet, Quickcash, présenté devant le jury de ce concours s’est appesanti sur le transfert d’argent en milieu rural.
« J’avais remarqué que les plates-formes de transferts d’argent qui existaient (Western Union, Money Gram) ne pouvaient pas fonctionner en milieu rural à cause de certaines contraintes comme l’électricité et la connexion internet. Pour effectuer leurs transactions, les populations du monde rural devaient donc parcourir d’énormes distances, parfois deux jours, quand on connaît la rareté, la précarité et le coût des moyens de transport dans nos pays. A cela, il faut ajouter l’insécurité sur les routes et surtout la perte de temps. Tout ceci concourait à faire du transfert d’argent un produit de luxe inaccessible aux populations du monde rural. C’est donc pour résoudre cette problématique que notre structure Quickcash a été créée », racontait la lauréate dans les colonnes d'un organe. Le patronat a accepté de financer son projet et de faire un suivi de ses activités.
Patricia Zoundy a aussi reçu le prix d’excellence 2014 de l’entrepreneuriat jeune, où elle a reçu la somme de 10 millions Fcfa de la part du Président de la République, lors de la journée de l’excellence.
Ayant de plus en plus gagné le cœur des Ivoiriens, les boutiques de mobile money se multiplient et d’autres promoteurs ont carrément fait des cabines en genre téléphonique pour accueillir leur client. Diallo A., gérant d’un espace Mtn mobile money, nous raconte que l'allure de "son bureau" a failli lui faire perdre des clients. Ces derniers, ayant été guidé par un groupe, pour faire une transaction financière via le téléphone, ont été réticents à la vue de la cabine de Diallo qui ne présente aucune commodité et est exposée. « C’est vraiment ici qu’on fait le paiement mobile », demandait un client, visiblement surpris qu’on puisse compter de l’argent à l’air libre (la cabine de Diallo).
Dans ces opérations de transferts d’argent par le canal du mobile, une nouvelle tendance est née, celle des paiements des factures de l’eau ou de l’électricité à travers l’usage du mobile money, même les factures des chaînes cryptées Canal+. Aujourd’hui plus rien ne se fait sans le mobile, en témoigne les inscriptions pour les concours administratifs et les inscriptions à l’université.
Kamagaté Issouf
issouf.kamagate@fratmat.info