L’Ivoirien nouveau et la nouveauté ivoirienne
L’Ivoirien nouveau et la nouveauté ivoirienne
Mon pays va mal, de mal en mal …» C’est par cette chanson de Tiken Jah Fakoli que j’ai découvert, pour la première fois, la Côte d’Ivoire des années 2000. Et il avait raison, ce chanteur emblématique de reggae car la Côte d’Ivoire allait très mal à l’époque. Les propos de notre professeur de la sociocritique sur Allah n’est pas obligé d’Ahmadou Kourouma et Patron de New York de Bernard Dadié m’ont aussi amené à m’intéresser encore plus à la Côte d’Ivoire et à découvrir les secrets de l’Ivoirien.
J’ai commencé à lire et à relire à propos de cette civilisation mystérieuse, depuis la légende de la reine Pokou et l’histoire pré-coloniale jusqu’à l’arrivée des Portugais et l’ère de l’indépendance. Le père de la nation, Félix Houphouët-Boigny, m’a largement influé par sa politique de Melting pot, un archétype réussi de la mondialisation dans l’histoire contemporaine. Ce politicien planteur a semé les premiers grains de la nouveauté ivoirienne sur le sol fertile de l’Ivoirien. Un contrat social inédit à l’intérieur et une diplomatie de l’ennemie de personne à l’extérieur avait donné naissance à une nation multiculturelle et enrichie en matière socio-démographique. Les diverses ethnies se réunissent sur une terre d’espérance et pays de l’hospitalité comme nous chantons chaque matin sous le drapeau tricolore, dans l’Abidjanaise.
Ce modèle ivoirien de la tolérance sociale, accompagnée par les progrès économiques aboutit au « miracle ivoirien » des années 1960/70, mais reste inachevé avec le décès de Houphouët-Boigny en 1993. La modernisation du pays, sans s’occuper de l’aspect intellectuel de la mentalité individuelle et collective, fait entrer le pays dans un cauchemar tragique. L’émergence de l’époque houphouëtienne se perd dans une durée de deux décennies de la crise sociopolitique.
Découragé, je suivais les actualités de la crise post-électorale par les médias et par les informations transmises par les amis ivoiriens, que je connaissais déjà à l’université. Justement, ce jour-là, j’étais en compagnie d’un de ces amis quand France 24 a diffusé, en direct, l’intervention historique du Président Ouattara lors d’une conférence de presse après sa prise du pouvoir. Et c’était à ce temps-là que j’ai saisi pour la première fois le sens de l’Ivoirien nouveau par l’appel à la paix et à la coexistence du Chef de l’Etat. L’Ivoirien nouveau en tant que phénomène concret, plus qu’une idée abstraite ou un concept doctrinal, se présente comme une re-création de l’Ivoirien houphouétien.
Quelques mois après, en 2011, j’étais déjà au bord de la lagune Ébrié, dans le cadre d’un projet d’infrastructure financé par le Groupe de la Banque mondiale. Et en presque 4 ans, j’ai témoigné de l’évolution positive du pays sur la voie de l’émergence.
Le premier mandat de l’Etat de droit fut consacré à la reconstruction de pays dans la phase économique et financière. Les investissements étrangers se multiplient. Les infrastructures se dressent et s’implantent partout. Les acquis sont incontestables. Un taux record de croissance économique de presque 9% surprend le monde en 2014 et d’après les experts du Fmi ce taux se répètera en 2015 et en 2016. Le progrès de la Côte d’Ivoire incarne le miracle ivoirien et l’émergence des premières années de l’époque de Houphouët-Boigny. Mais cette fois-ci, l’Etat ivoirien, vigilant et expérimenté, se focalise sur l’émergence intellectuelle parallèlement aux progrès physiques pour réaliser l’émergence définitive du pays de sorte que la Côte d’Ivoire entre dans le rang des pays touchant à un développement durable.
La démocratisation des institutions et le programme du gouvernement pour une modification constitutionnelle se justifient dans la même perspective. La démocratie se caractérise par Démos Kratos ou le pouvoir du peuple. La maturité politique du peuple ivoirien est approuvée par l’élection apaisée et transparente du 25 octobre. Le Démos ivoirien en passant victorieusement la phase de l’élection présidentielle a acquis son pouvoir perdu depuis presque deux décennies.
La loi de l’éducation obligatoire, commencée à la fin du premier mandat, semble avoir comme l’objectif de produire une génération de l’Ivoirien nouveau. Le gouvernement a bien saisi que la réalisation du concept de l’Ivoirien nouveau ne se résume pas seulement aux décisions étatiques et cela dépend largement des actants individuels de la société ivoirienne. Le processus de la socialisation de l’individu ivoirien n’apparaît pas authentique à celle des pays développés.
La considération des intérêts supérieurs de la nation au lieu de s’attacher uniquement aux intérêts passagers et à court terme de soi-même, la reconnaissance des responsabilités pour le salut de la patrie, la modération de l’individualisme ivoirien, sont les facteurs de base pour créer un Ivoirien nouveau. L’Ivoirien nouveau consiste donc à la reconstitution intellectuelle et philosophique de l’Ivoirien et de l’Ivoirienne.
Dans ce sens, même Tiken Jah Fakoli devrait reformuler sa chanson pour dire que son pays va très bien et il ira encore mieux en 2020.
Par SAEID KHAN
Master es Lettres françaises, Université de Téhéran