Décès de Régina Yaou: Elle était enfin mise à l’honneur !
Décès de Régina Yaou: Elle était enfin mise à l’honneur !
Elle n’assistera donc pas à cet autre hommage que souhaitait lui rendre la grande famille du livre. Après le plus récent qu’elle avait reçu lors du Salon international du livre d’Abidjan (Sila), en mai 2016, au cours duquel le commissaire général de l’événement, Anges Félix N’Dakpri, président de l’Association des éditeurs de Côte d’Ivoire (Assedi) et son équipe en avait fait «l’auteur à l’honneur».
Qu’est-ce qui a bien pu provoquer son décès soudain au Centre hospitalier universitaire (Chu) de Cocody, le 3 novembre, vers 17 heures ? «Quelques heures plus tôt, aux alentours de 13 heures, elle s’était plaint, au cours du déjeuner qu’elle partageait avec des amis chez elle, de maux de tête», répètent, inconsolables, ceux qui ont assisté aux dernières instants de sa vie. Notamment Herman, son unique enfant.
Elle avait entamé un régime amaigrissant car elle souhaitait «marcher la tête haute vers l’estrade lorsqu’on prononcera son nom» à la soirée du dîner-gala du prix Ivoire du 11 novembre. «Elle était plus que jamais pleine de vie et pleine de projets, explique son amie Constance Komara. Elle s’apprêtait même à écrire une biographie en deux tomes d’une célèbre personnalité ivoirienne» Le matin du 25 octobre, elle envoyait ce message à Isabelle Kassy-Fofana, présidente d’Akwaba culture et promotrice du prix Ivoire : «Bonjour mon Isa. J’espère que tu vas bien. J’ai deviné la surprise que tu me caches. Le Prix Ivoire va offrir à chacun de nous un trophée Invité d’honneur 2017 ! Ou bien je me trompe ? En tous cas, j’en serais ravie !»
Elle se réjouissait d’avoir été choisie par les organisateurs de la prochaine édition du Prix Ivoire comme Invitée d’honneur au titre de la Côte d’Ivoire, aux côtés notamment des écrivains Venance Konan et Fatou Keïta. Originaire d’Akrou, dans la sous-préfecture de Jacqueville, Régina naît le 10 juillet 1955, à Dabou. En poste à l’intérieur du pays, elle rencontre, en octobre 1990, Ambroise Ndoufou, qui deviendra son époux et le père de son unique enfant.
Son époux décède en 2002 dans un accident de la circulation. L’écrivaine, qui a connu un parcours professionnel tortueux, parvient à être également oratrice, conférencière, formatrice et animatrice d’ateliers d’écriture. Sa production dense de nouvelles et de romans lui confère, aujourd’hui, le titre incontestable de Femme d’honneur du milieu littéraire ivoirien.
En 2012, elle est nommée ambassadeur de la ville historique de Grand-Bassam. En 2013, elle est célébrée par son éditeur principal, Nei-Ceda, pour ses trente-six ans de présence au-devant de la scène littéraire ivoirienne. L’année suivante, elle reçoit du Président de la République, le Prix d’excellence pour la littérature. Elle a à son actif une trentaine d’ouvrages. Dont des inédits, datant, pour la plupart, de 1978. De l’avis d tous, la Révolte d’Affiba, parue en 1985 aux Nouvelles éditions africaines, reste la plus connue et la plus estimée à ce jour.
Amoureuse des lettres, elle commence à écrire, dès l’âge de 12 ans, des poèmes qu’elle consigne dans un cahier. Alors qu’elle est en classe de première, elle participe à un concours littéraire organisé par les Nouvelles éditions africaines qui veulent découvrir de nouveaux talents. En 1977, les résultats sont proclamés. Sa nouvelle, La citadine, écrite pendant les grandes vacances scolaires, est primée. Alors jeune lauréate de 22 ans, elle suit ses pulsions littéraires et publie, peu après, son premier roman, Lezou Marie ou les écueils de la vie. Gagnée par la frénésie de l’écriture, elle ne s’arrêtera plus. Jusqu’à ce fameux 3 novembre 2017. Elle aura consacré quarante années de sa vie aux lettres et aux mots.
DOMINIQUE MOBIOH EZOUA