Chambre nationale des rois et chefs traditionnels: Un instrument royal pour la paix
Chambre nationale des rois et chefs traditionnels: Un instrument royal pour la paix
Ils sont partout en Côte d’Ivoire, apôtres traditionnels infatigables des temps modernes, sillonnant toutes les régions du pays, en prônant le dialogue et le vivre ensemble, en prêchant la bonne parole. Le 20 décembre dernier, il y a moins d’un mois donc, ils étaient de nouveau rassemblés à leur siège à Yamoussoukro pour témoigner leur soutien au Chef de l’État, SEM. Alassane Ouattara, présent pour la circonstance, et à qui ils ont promis d’oeuvrer à la cohésion sociale et à la paix ; ce qui permettra, ont-ils affirmé, « le développement durable et le progrès continu de notre pays ».
Constitués en une Chambre nationale des rois et chefs traditionnels (CNRCT) depuis 2014, suite à la promulgation de la loi de juillet 2014, laquelle a été renforcée par les dispositions de la constitution du 8 novembre 2016, les Rois et Chefs Traditionnels de Côte d’Ivoire, jouissent désormais d’un statut officiel, d’un rang protocolaire lors des cérémonies publiques, ou encore de la protection de l’État.
L’ex Ambassadeur Awoulaé Tanoé Désiré, Roi de Grand-Bassam, assume le rôle de Président de ladite Chambre, pour un mandat de cinq ans renouvelable. Mais n’est pas fait...roi qui veut ! Car, la qualité de roi, de chef de province, chef de canton, chef de tribu et chef de village, répond à des critères bien définis de désignation en tant que tels, selon les us et coutumes dont ils relèvent. Et s’il est très souvent réjouissant de les voir tenir leur rang honorifique, revêtus des plus beaux atours traditionnels, de belles couronnes et parures dorées, lors des cérémonies d’apparat, les 8000 têtes couronnées recensées en Côte d’Ivoire qui composent désormais l’Assemblée et le Directoire de la Chambre, n’en sont pas moins, comme ils le revendiquent eux-mêmes, des interlocuteurs importants du débat politique, des « artisans» au service de la nation. En juin 2016, dans le cadre des consultations entreprises par le Président Alassane Ouattara avec les couches socio-professionnelles majeures de la République, Nanan Tanoé Désiré, Roi des N’zima, au nom de la Chambre, a proposé la création d’un poste de vice-Président ainsi que celle d’un sénat.
Médiation et prévention des conflits
Comme le stipule leur charte, ils sont éligibles entre 35 et 75 ans, sont ivoiriens de naissance et ont pour attributions, entre autres, de dresser le répertoire de leurs coutumes, de faire respecter leur statut, de régler les litiges relatifs à la désignation des autorités traditionnelles, de veiller, en relation avec les autres institutions étatiques, à la préservation du patrimoine culturel de la Côte d’Ivoire, d’initier des missions de médiation afin de prévenir et de gérer les crises et les conflits. Ils sont également soumis aux obligations de neutralité, d’impartialité et de réserve. Ils ne doivent nullement afficher une quelconque appartenance politique et ne doivent pas oublier que leur qualité de roi ou de chef traditionnel est incompatible avec l’exercice de tout mandat électif. La Chambre bénéficie pour son fonctionnement d’une subvention annuelle, inscrite au Budget de l’État.
Le lien entre tradition et modernité
Le lien entre tradition et modernité Prises en compte dans la réforme constitutionnelle, laquelle a abouti à la nouvelle Constitution dont s’est dotée la Côte d’Ivoire, suite au référendum constitutionnel du 30 octobre 2016 que les électeurs ont approuvé à plus de 80%, et qui a fait entrer la Côte d’Ivoire dans la troisième République le 8 novembre 2016, suite à sa promulgation. Tes têtes couronnées du pays manifestaient, depuis de longues années, la volonté de se regrouper en une institution forte et incontournable, afin de « garantir l’unité nationale, tout en s’affranchissant des chapelles politiques ».
La Chambre des Rois et des Chefs traditionnels, déjà existante, est bel et bien inscrite dans la constitution où elle se voit chargée de la valorisation des us et coutumes et de la promotion des idéaux de paix. La volonté populaire s’est manifestée. Jusque-là un arrêté colonial datant de 1934 les réduisait à de simples gardiens de la tradition...
Nul n’ignore, aujourd’hui comme hier, que la chefferie traditionnelle joue un rôle important dans les sociétés africaines. Puisqu’elle tisse le lien entre tradition et modernité ; en Côte d’Ivoire, on n’en fait pas l’exception. La légende rapporte que c’est sous le règne d’Amondouffou, roi des Nzima de l’époque que les premiers Européens arrivés en Côte d’Ivoire, ont signé et mis en place l’organisation de la chefferie, telle que nous la connaissons, la louons, l’admirons et la respectons de nos jours. Aujourd’hui plus que jamais, voulant être reconnus comme des acteurs majeurs de la société ivoirienne, les membres de la CNRCT multiplient et varient les activités. Ils s’investissent dans les opérations « grand ménage », pour nettoyer les villes et villages, ils rencontrent le milieu estudiantin pour calmer « les ardeurs de la jeunesse », ils organisent des séminaires sur le thème de la réconciliation nationale…
Cependant, l’action qui figure en bonne place dans leur programme annuel de l’année 2018 est la « Caravane de la Paix » qu’ils entendent lancer à travers tout le pays dans le but de « se préserver d’une crise, lors de la présidentielle de 2020 ».
De Félix Houphouët-Boigny à Laurent Gbagbo, aucun Président de la République ivoirien n’avait légalement donné autant de poids et d’influence aux têtes couronnées de Côte d’Ivoire. La promesse de campagne faite en 2010 par Alassane Ouattara, alors candidat à la présidentielle, est devenue réalité plus tard. Depuis 2014, sous sa présidence, elles ont un statut estimé à sa juste valeur. De gardiens de la tradition, ils sont devenus aussi les gardiens de la paix.
Dominique Mobioh Ézoua