Paris sportifs en ligne: Le cheval de Troie du crime organisé
Paris sportifs en ligne: Le cheval de Troie du crime organisé
Le résultat d’une élection présidentielle, le sexe du prochain enfant de Beyonce, le score de la finale de la Coupe du monde... On peut parier sur tout et n’importe quoi. Dans la littérature, les premières traces de ce genre de paris remonteraient à plus de 2000 ans, lors de combats de lutte en Asie. Parier c’est titiller le goût du risque qui sommeille en nous tout en espérant gagner de l’argent. Beaucoup d’argent sans suer. le sport par l’engouement qu’il suscite et la passion qu’il soulève attire le plus grand nombre de parieurs. De nombreux sites de paris ont été créés pour les attirer les paris sportifs représentent une forme particulière de jeu d’argent, car ils font appel à l’expertise du joueur.
En effet, en plus du facteur chance, le joueur doit avoir une bonne connaissance du sport concerné. Ce qui peut lui permettre d’optimiser ses gains. Prendre un pari ferait-il de nous le complice d’un acte mafieux ou d’un attentat terroriste ? Nous rendrait-il coupable d’une fuite de capitaux ? Ou encore complice d’un blanchiment d’argent ? Oui, si l’on en croit les experts (lire interview) mais ce lien pour de nombreux parieurs rencontrés n’est pas évident. « C’est n’importe quoi », répond vivement Malick B., un jeune déscolarisé d’une vingtaine d’années qui rêve de devenir un grand footballeur.
Pour l’heure, la connaissance qu’il a de ce sport est mise à profit pour se faire de l’argent en attendant de signer avec un club. Harding N. est un diplômé sans emploi. C’est un abonné des sites de paris « En attendant d’avoir un vrai boulot c’est avec ça que je me défends », indique le jeune homme. Pourquoi, les sites de jeux en ligne ? « Sur les sites, le parieur a tous les sports (le football, le basket, le tennis, le cricket...) et un grand nombre de championnats. Pour le football (qui reste la discipline la plus touchée) par exemple, les sites nous offrent plusieurs combinaisons.
C’est beaucoup plus intéressant », nous explique-t-il en nous citant ses sites de paris préférés. Selon lui, pour des matchs importants comme ceux d’une phase finale de coupe du monde, des opérateurs peuvent proposer une centaine de paris différents. Yves qui est en classe de seconde, est un parieur occasionnel « Je joue de temps en temps. Dans mon quartier (Ndlr Cocody) beaucoup de grands frères le font également. Nous avons une multitude de combinaisons. Avec les différents types de résultats ou de phases de jeu », indique-t-il.
Les joueurs rencontrés soulignent tous le large éventail de paris que les sites leur offrent lors des matchs importants. « Certains opérateurs proposent plus d’une centaine de paris, donc autant de possibilités de gagner de l’argent », renchérit Hamed Toué, gérant de cabine téléphonique. Les jeux en ligne ne sont pas figés. le joueur peut faire sa mise après le coup d’envoi et tout au long du match (la victoire, le score à la mi-temps, score exact, l’écart de but, le but marqué par un défenseur...) les jeux sont ouverts. Sans oublier que les gains sont aussi plus importants que ce que proposent les structures classiques. à en croire donc les parieurs 2.0, les cotes sont bien meilleures sur internet.
Si ces parieurs savent que c’est illégal, ils sont rares à percevoir le danger que cela peut représenter. « Les loteries de nos états feraient mieux de s’adapter. Elles ont peur de la concurrence », lance Alex Grah agacé. Comme les points agréés de la lonaci, les parieurs ont aussi leurs « kiosques ». Sans enseigne, seuls les habitués les connaissent. Certains se confondent à un banal cyber café, fait d’un assemblage de contreplaqué, un ordinateur et une connexion. Parfois, c’est une simple cabine téléphonique au bout d’une rue qui sert de « point agréé ». Et on en trouve pratiquement dans tous les quartiers. Cocody, Yopougon, Adjamé... le gérant du coin, met à la disposition de ses clients la fiche des matchs avec la cote des différentes équipes et aussi le moyen de paiement électronique qui sert à prendre les paris des clients. En général, c’est une carte visa.
Le parieur qui vient pour sa mise, achète donc des euros avec le gérant. L’euro lui est vendu en moyenne à 800 fCfa. Ainsi, le client qui veut parier un euro paiera 800 f, 1600 pour deux euros. Mais le joueur peut aussi parier un demi-euro et même un quart d’euro. Une flexibilité qui est très appréciée par les parieurs. Au bout de leurs souris, ces lieux qui ne payent pas de mine offrent aux clients la possibilité de tenter leur chance sur les championnats de tous les pays dans plus de 50 sports. « Avec Internet, les paris sportifs ont subi leur plus forte mutation depuis leur création.
En effet, Internet ne représente pas seulement un nouveau vecteur de communication ou de distribution pour les paris sportifs, c’est bel et bien le produit qui a été profondément modifié, un peu comme Airbnb a révolutionné l’industrie du tourisme », indique Christian Kalb, chercheur associé à l’iris, expert des paris sportifs et des questions de gouvernance du sport avec internet, le nombre d’opérateurs de paris a augmenté de façon exponentielle, hors des contrôles généralement exercés sur ce secteur sensible.
Selon Christian Kalb, créer un site de paris sportifs est extrêmement simple dès lors que l’on s’affranchit des règles et que l’on maîtrise un tant soit peu l’informatique. « De nombreux sites sont ainsi apparus entre 1994 et 2000, généralement dans des paradis de jeux : Alderney, Antigua, Cagayan, Costa Rica, Curaçao, Gibraltar, Kahnawake, Malte, etc » préciset-il. Certains experts estimaient il y a quelques années que plus de 75% des 10.000 opérateurs de paris, qui proposent leurs services partout dans le monde, ne disposaient ainsi d’aucune autorisation pour exercer leur activité. Mais tous mènent d’intenses réflexions pour proposer de nouvelles formes de paris.
Telle une pieuvre, les jeux en ligne constituent une grave menace pour la survie et le développement des loteries nationales. En Côte d’ivoire, la lonaci depuis quelques années a engagé une lutte contre ces jeux illégaux. Plusieurs actions ont été menées dans ce sens. Et les différents responsables ne ratent aucune occasion pour interpeller l’opinion nationale sur ce danger.
« Je m’élève avec énergie contre un fléau qui nuit à la Lonaci et à sa mission sociale. Accepter ces loteries illégales, c’est remettre en cause la mission de la Lonaci. Car c’est priver la société nationale des jeux de ressources qui lui auraient permis d’assister davantage les populations. C’est priver l’Etat de ressources utiles au développement », a fustigé le directeur général de la lonaci, Dramane Coulibaly le 11 septembre 2017 lors du lancement de la deuxième édition du challenge social. Cette lutte s’annonce longue et âpre. Mais s’avère indispensable au vu des nombreux risques que les paris illégaux font planer sur l’ensemble des pays africains.
SETHOU BANHORO