Portrait/Éducation : Tchonté Mireille Silué, vanteuse de livres
Tchonté Silué se présente comme une passionnée de lecture, de voyages et d’écriture et férue de réseaux sociaux qui a envie de transformer l’éducation en Côte d’Ivoire. « Notre éducation est trop passive. On se contente de s’asseoir et d’écouter le professeur et ensuite, on vomit ce qu’il nous a dit sur les feuilles de copie. On n’apprend pas à penser par nous-mêmes », déplore-t-elle. Alors, les livres deviennent le levain indispensable de toutes nos intelligences, nous affranchissant du conformisme rampant.

Pour cette influenceuse, le plus dur a été de trouver sa voie. Et quand la marche nourrit un rêve, chaque pas est une victoire. « Depuis 2016, je lis en moyenne une trentaine de livres par an. En ce moment pour 2024, j’en suis à 21 livres pour adultes et 21 livres jeunesse », indique-t-elle.
Les centres de lecture Eulis
Une passion et des richesses qu’elle partage dans les centres de lecture Eulis qu’elle a ouverts. Le premier dans la commune populaire de Yopougon, avec ses propres livres, a reçu de nombreux dons pour garnir ses rayons. Il sera ensuite intégré à la bibliothèque d’un collège. Le deuxième est situé à Faya, dans la commune de Cocody.
Dans ces espaces éducatifs, sont organisés des ateliers thématiques, des rencontres et des sorties pour créer un univers magique autour du livre. La jeune femme veut mettre le monde au bout des doigts des enfants, il leur suffit de tourner les pages des livres, pour entamer de belles explorations, d’extraordinaires voyages. La trentenaire est une véritable boule d’énergie qui éclaire et booste sa communauté, à travers ses actions et ses chroniques.
C’est aux États-Unis qu’elle découvre l’engagement communautaire, grâce à ses activités de bénévolat, avec Habitat for Humanity qui construit des maisons à bas coût, afin de permettre aux gens de devenir propriétaires. Le bonheur qu’elle lit dans les yeux des bénéficiaires imprègne son cœur.
L’engagement social
Enfant, cette fille d’enseignante rêvait de devenir médecin et de construire deux hôpitaux. Un pour les riches et l’autre pour les pauvres, afin que l’argent des personnes nanties serve à soigner les personnes dans le dénuement. Laissant déjà deviner sa soif de justice sociale. Mais la perspective d’être confrontée régulièrement à la vue du sang la décourage.
Après le baccalauréat, elle s’oriente sur « un coup de tête » vers la finance. Elle étudie, deux années, en Côte d’Ivoire, dans une université privée puis s’envole, pour les deux dernières années, aux États-Unis, à Georgia State University à Atlanta où elle obtient un bachelor en finances.
La fillette, qui s’ennuyait dans la cuisine ou en faisant les tâches ménagères, a du mal à se projeter dans un bureau à jongler avec les chiffres et les perspectives économiques. « Je n’aurais pas survécu. Je pense que je me serais sentie oppressée. On a besoin de faire ce qui vous fait vibrer ».
Elle s’intéresse à l’entrepreneuriat social à Hult International Business School à San Francisco. Bingo ! Ces études font sens, en Master, elle découvre sa passion pour l’éducation.

Féministe dans l’âme, cette dévoreuse de livres a trouvé dans les mots de Chimamanda Ngozi Adichie, écrivaine et militante féministe nigériane, un écho à ses aspirations et un viatique pour sa croisade. Tchonté dont le prénom signifie en Sénoufo « Je ne sais pas qui est bon », repère parfaitement les figures féminines qui l’inspirent et les valeurs qu’elle défendra. Et selon celle qui a été recrutée comme chargée de l’engagement des jeunes auprès de l’Unicef, il n’y a pas de rêve trop grand. En effet, elle aide donc les jeunes à être acteurs de changement pour nos sociétés.
Ainsi, cette féministe qui commence son aventure de mère fera certainement de son fils « un allié pour la cause ». « J’espère pouvoir l’éduquer, afin qu’il porte aussi les valeurs du féminisme. Qu’il puisse croire en la nécessité de promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes, dans leurs droits et l’accès aux opportunités », confie-t-elle.
Et avec la naissance de son fils, le cœur de celle qui, il y a quelques années, avec de bons livres et son ordinateur, aurait pu passer un mois, isolée de tout, vient de trouver un autre port d’attache.
D’un port à un autre, elle met le voile avec sourire et partout où elle jette l’ancre, son intelligence pétillante gagne des cœurs. C’est la fille, la sœur et l’amie qu’on aimerait bien avoir. Et ça tombe bien, car elle a « envie de mettre des sourires sur les visages des gens ».