TIC : Web, journalisme professionnel et journalisme citoyen
Dans les faits, l’évolution de cet outil innovant a apporté une plus-value aux différents métiers liés à la communication. Un bénéfice énorme en termes de transfert de compétences.
Le web est, aujourd’hui, la bibliothèque la plus immense du monde. Ainsi, un journaliste en quête de documentation, depuis N’Djamena peut consulter des guides édités, depuis Paris, par l’agence française de coopération des médias. La connaissance s’est démocratisée grâce au web, ouvrant les portes sur un savoir emmagasiné dans un monde virtuel. Les pays sous-développés y trouvent leur compte, donnant ainsi l’opportunité à leur jeunesse d’apprendre sans se déplacer. Un professeur de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille peut présenter un cours magistral aux étudiants du Centre d'études des sciences et techniques de l'information (Cesti) de Dakar, grâce à la magie de la visioconférence. Le web, est une mutualisation des sources audio et vidéo dans un village planétaire et surtout un gain énorme de temps dans l’exécution des tâches de production. Si hier, le transfert d’une bande Nagra pouvait durer le temps d’un vol Paris – Abidjan, Internet permet de transférer le contenu numérisé de cette même bande en quelques clics. Finie donc l’époque où les journalistes devaient rentrer de leurs longs voyages pour livrer leurs reportages !
En Côte d’Ivoire comme partout ailleurs, Internet, dans le sillage de son développement a attiré sur la Toile mille et un utilisateurs présents pour une raison ou une autre. Hélas, quelques-uns de ces utilisateurs ont commencé à toucher à une matière première assez sensible : l’information. Ces blogueurs et autres cyber activistes que l’on baptise, aujourd’hui, journaliste citoyen ont vite fait d’inonder la Toile. L’avènement de ce journalisme citoyen – à ne pas confondre avec le web journalisme – change automatiquement la donne de façon positive mais aussi négative. Chacun s’improvise chroniqueur, communicateur ou même journaliste grâce à un ordinateur, une clé Internet et un blog ou une page hébergée par ces nombreuses plates-formes qui se créent au quotidien.
Les blogs et autres pages privées pullulent sur le web, créant, par moments, un véritable flou pour le consommateur à la recherche d’informations crédibles. Les rumeurs se mêlent aux scoops inventés de toute pièce dans des salons et "balancés" sur le Net, pour reprendre une expression bien à la mode. On siphonne, ici et là, des brides d’information sur des sites professionnels, puis on y ajoute son grain de sel, sans aucune règle journalistique. Au-delà, ces nouveaux faiseurs d’information n’hésitent pas à se comparer aux journalistes qu’ils traitent « de plumes à la solde des politiques ». Les véritables promoteurs de l’information pure sont donc ces hommes et femmes qui, sans aucune formation, s’improvisent professionnels du traitement de l’information. Il est vrai que le journalisme, dans notre pays, a connu, ces derniers jours, quelques soucis qui n’honorent pas la corporation. Mais comme dirait les jeunes zouglou : « Le lion malmené par la mort devient certes l’esclave de la gazelle, mais la race du lion ne sera jamais soumise à celle de la gazelle ! » En d’autres termes, aucun autre métier ne pourra se substituer au journalisme dans le traitement de l’information pure. Collecter, sélectionner, traiter et diffuser l’information est un métier qui s’apprend, une science qui ne s’acquiert pas simplement en s’asseyant devant un ordinateur ou parce qu’on a la faculté de savoir associer des lettres pour former une phrase. Le journaliste citoyen, bien que permettant par moments, de remonter l’information et de relayer des évènements, en l’absence de journalistes professionnels, ne doit pas s’improviser professionnel de l’information. Sur la Toile, chacun doit connaître et reconnaître sa place, son statut et savoir accepter que chaque univers est balisé par des règles qui ne doivent pas être transgressées, même en arguant du sacro-saint principe du libre accès à l’information.
Il appartient donc aux journalistes d’évoluer dans la compréhension de leur métier qui est en constante évolution. La rapidité du web adaptée au journalisme risque de pénaliser le journalisme classique. Il faudra donc se recycler car l’avenir est à la spécialisation ! Evoluer vers une spécialisation de sorte que le journaliste soit incontournable sur la Toile. Un style vivant, des phrases courtes, mais aussi et épouser la rapidité d’Internet, sans pour autant, en amont, oublier de recouper l’information. Car c’est bien là la différence entre le professionnel de l’information et celui qui n’en est pas un.
Bloguez donc chers amis du web, puisque c’est votre métier, voir votre gagne-pain, mais acceptez de laisser aux journalistes le soin de porter l’information aux populations, conformément aux règles d’éthique et de déontologie qui régissent cette noble profession. Que chacun connaisse et reconnaisse donc sa place sur la Toile.
Par KAHOFI SUY
JOURNALISTE, CORRESPONDANT DE PRESSE