Adama Bamba (président du Rapgp): ‘’Lorsqu’une Unité de gestion de projet n’est pas performante, cela est gênant pour l’Etat et le bailleur’’
Vous organisez, bientôt, à Abidjan, une rencontre internationale des professionnels de la gestion des projets de développement. De quoi s’agit-il ?
L’Université d’été des professionnels de la gestion des projets est un cadre international de rencontres, de partage d’expériences et de bonnes pratiques, et d’échanges sur les problématiques liées à la réussite de la gestion des projets. L’événement aura lieu, du 9 au 14 juillet, au Sofitel Hôtel Ivoire à Cocody. Nous allons y rassembler entre 250 et 300 participants de 25 pays africains.
Il faut dire, dans ce contexte, que quasiment tous les pays africains bénéficient de concours financiers et d’appuis techniques de bailleurs de fonds, notamment la Banque mondiale (Bm), la Banque africaine de développement (Bad), l’Union européenne (Ue) ; de financements bilatéraux américains, canadiens. En plus de ces dotations, il y a les financements propres des Etats, à travers leurs Trésors publics. Ces fonds sont mis à la disposition des Unités de gestion des projets (Ugp) pour mener des activités portant sur la réalisation d’infrastructures et la production de biens et services. C’est ce qui fait que dans les pays, on a pratiquement des projets dans tous les secteurs (éducation, santé, routes, emploi des jeunes, agriculture, énergie, etc.) pour le bien-être des populations.
Le constat est que dans un pays donné, on a une multitude de projets qui sont en cours d’exécution avec le financement des bailleurs susmentionnés ou du Trésor. Dans ce schéma, on a parfois suffisamment de ressources, des centaines voire des milliers de milliards de FCfa qui sont disponibles. En face, il y a des besoins des populations qui ne sont pas satisfaits, pour la simple raison que les Unités de gestion des projets ont quelques faiblesses. Leurs capacités ne sont pas assez renforcées pour que cet argent puisse se traduire en biens et services.
Ce sont ces faiblesses que vous voulez corriger à travers l’organisation de l’Université d’été….
En réalité, bien qu’il y ait des ressources, il y a des procédures de gestion, tant au niveau de la passation des marchés que de la gestion financière, de l’audit de la communication. Ce sont ces procédures qui sont suivies pour transformer les ressources financières en réalisations au profit des populations. Lorsqu’une Ugp n’est pas performante, on se retrouve dans une situation assez gênante pour les Etats, mais aussi pour les bailleurs. D’autant plus qu’en dépit de la disponibilité des ressources, les prestations et les infrastructures à réaliser ne sont pas à la hauteur.
D’autre part, lorsque les bailleurs mettent à disposition des fonds, ils exigent des résultats et attendent que les crédits soient consommés. On parle là de décaissement. Il faut comprendre que les prêts faits par les bailleurs sont généralement disponibles, mais le client, qui est l’Etat, n’en use pas à bon escient. En fait, c’est parce que l’Ugp a des problèmes en matière de gestion. D’où la nécessité de renforcer les capacités des structures de gestion des projets.
Comment y arriver ?
Des structures essaient de collaborer. Il y a des unités de gestion qui s’en sortent bien, tandis que d’autres sont embourbées dans des difficultés de fonctionnement. Des projets ont même été suspendus dans des cas, d’autres ont carrément été fermés pour insuffisance de performance. La meilleure façon, pour nous, c’est de faire en sorte que les unités de gestion échangent les bonnes pratiques et se parlent pour renforcer leurs capacités.
Et donc, depuis l’an dernier, on a créé le Réseau africain des professionnels de la gestion des projets (Rapgp). On va d’abord avoir des échanges B to B, notamment sur les réseaux sociaux.
Quel est le contenu de ces échanges, à la limite, informels ?
N’importe quel gestionnaire de projet d’un pays donné, par exemple de Guinée, qui a besoin d’un manuel de procédure en gestion administrative, comptable et financière, selon les modèles d’un bailleur donné, peut aller sur le réseau et en faire la demande. Un autre gestionnaire, qui est par exemple à Madagascar et qui a le même bailleur, peut lui mettre le manuel à disposition. Ça permet de gagner du temps, de l’argent et de convertir très rapidement les ressources en actions.
Avec les possibilités d’échanges que vous avez sur les réseaux sociaux, quelle est l’opportunité de la rencontre d’Abidjan ?
C’est juste. Mais au-delà de ces échanges, on a prévu de se rencontrer chaque année, durant une semaine, en séminaire de formation qu’on a dénommé Université d’été des professionnels de la gestion des projets. Il s’agit de formations, d’échanges pratiques. L’idée est de débattre de vive voix de toutes les questions qui constituent des problèmes pour nous et de trouver pour chaque problématique la réponse adéquate. Afin aussi que ceux qui ont des soucis puissent bénéficient des expériences des autres. Cette rencontre est également un cadre de réseautage. Il faut amener les gestionnaires de projets des pays africains à se connaître.
Comment vont se dérouler les travaux ?
Il y aura des présentations sous forme de formations avec des questions-réponses et des exemples pratiques. Les formateurs sont des gestionnaires de projets et des experts commis par les bailleurs. On aura des intervenants de la Banque mondiale, de la Banque africaine de développement (Bad), du Fonds mondial, du Contrat de désendettement et de développement (C2d), etc. On veut faire en sorte que les participants se parlent, quel que soit le portefeuille de leurs projets.
L’événement aura l’appui du chef du gouvernement ivoirien. Qu’attendez-vous de son intervention ?
Le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, assure le patronage de la 1ère édition de notre Université d’été. On a souhaité cela parce qu’il s’agit d’une rencontre assez technique et pratique.
Sachez que tout gouvernement a intérêt à ce que les projets financés par les bailleurs ou par l’Etat donnent des résultats probants. Un projet est, avant tout, un ensemble d’activités qui ambitionnent d’aboutir à des résultats quantitatifs et de qualité, avec un montant donné et dans un délai imparti. Tous les pays africains sont obligés de prendre appui sur les projets. Pour la simple raison que pour certaines interventions, l’administration classique n’est pas la plus appropriée. Dans tous les pays, on a des centaines voire des milliers de projets.
Si on prend l’exemple du portefeuille de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire, on a 21 projets actifs avec une enveloppe de 765 milliards de FCfa. Neuf projets sont en préparation pour 575 milliards de FCfa. Ces projets portent sur la construction de routes, d’écoles, d’hôpitaux, sur l’adduction d’eau courante, la fourniture d’électricité, etc. Il est donc clair que lorsque les projets sont bien gérés, cela profite à la fois aux populations et au gouvernement.
Interview réalisée par
GERMAIN GABO