Pr Aka Boko (directeur de l’Institut de recherche sur les énergies nouvelles ''Iren''): ‘’Le gouvernement pourrait utiliser l’énergie solaire photovoltaïque’’
Pourquoi est-il si important aujourd’hui de faire la promotion des énergies renouvelables en Côte d’Ivoire ?
Dans le monde entier, les gouvernants ont pris la juste mesure de ce qui constitue les menaces anthropiques sur l’environnement et l’atmosphère, et la Côte d’Ivoire s’est engagée à travers les différents Conférences des parties sur le climat (Cop). Il s’agit de réduire notre empreinte carbone dans toutes nos activités et pratiques tant domestiques, agricoles qu’industrielles et éviter aussi le gaspillage dans l’exploitation et la consommation des ressources naturelles. Toutes ces précautions sont à prendre pour préserver la planète et, pour réduire la part d’impact négatif qui incombe à la production d’énergie électrique. Il est alors très opportun de privilégier les ressources énergétiques renouvelables, durables et propres. Il faut pour cela une volonté politique affirmée en vue d’impulser, développer et promouvoir les énergies renouvelables dans notre pays. Soulignons que l’Institut de recherche sur les énergies nouvelles (Iren) a été désigné en mai 2018 par la Commission de l’Uemoa comme Point focal national pour toutes les questions relevant des énergies nouvelles et renouvelables.
A la Cop 21, la Côte d’Ivoire s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 28% d’ici à 2030 ? Quelle est la contribution de votre Institut pour l’attente de cette vision du gouvernement ivoirien ?
C’est l’une des problématiques contemporaines qui a trait aux effets des changements climatiques et la survie de l’humanité, parce que nous mettons en danger les générations futures par notre mode de vie. Notre contribution est faite en partenariat avec les ministères et les institutions internationales. L’Iren participe ainsi à la réflexion à travers les ateliers, séminaires et rencontres sectorielles. L’Institut intervient aussi dans le programme « Africa leds partnership » pour la résilience de l’émission des gaz à effet de serre et la taxe carbone en Afrique. Il s’agit d’un programme de partenariat mondial initié par la Grande Bretagne et les Etats Unis qui est étendu à tous les continents. Et l’Afrique dispose d’une plateforme dans laquelle nous intervenons. L'Iren participe donc à toutes les rencontres nationales et internationales et est sollicité pour apporter son expertise. A cela, s’ajoute le projet de Mécanisme d’un développement propre (Mdp) réalisé de 2003 à 2006. Il a été confié à l’origine à l’Iren et financé par les Pays Bas dans lequel s’inscrit le mécanisme de la taxe carbone. Ce qui a abouti par la suite à la mise en place de l’Autorité nationale désignée pour un mécanisme de développement propre (And-Mdp), logée au sein de l’Agence nationale de l’environnement (Ande).
Hormis le solaire, les autres formes d’énergies renouvelables ne sont pas vraiment mises en valeur en Côte d’Ivoire. Qu’est-ce qui explique cela ? Et quels pourraient être les avantages pour les populations ivoiriennes ?
Effectivement, ce sont les énergies photovoltaïques qui sont plus connues des Ivoiriens. Lorsqu’on prend l’éolienne qui est basée sur la vitesse du vent (moins de 5 m/s en moyenne en Côte d’Ivoire), il n’y a pas de centrale de production d’électricité. Un prototype avait été installé à l’Université de Cocody pour la formation des étudiants mais il a été détruit suite aux mouvements de grève. En 1997, des membres de l’Iren avaient monté une micro-centrale éolienne au Centre culturel allemand avec l’appui financier de la Gtz (la Coopération économique allemande). Quant à la géothermie, l’utilisation de la chaleur du sous-sol pour produire de l’électricité, le Kenya l’implémente un peu mais pas encore en Côte d’Ivoire. Le constat est que hormis l’hydroélectricité, les autres formes d’énergies renouvelables sont quasi-inexploitées dans le pays. Toujours est-il que les ressources sont présentes. Comme en Télécommunications, on parle d’accès universel, en énergie également ce concept existe. L’accès à l’électricité doit profiter au plus grand nombre possible des habitants du pays. Dans ce sens, le gouvernement est engagé dans l’électrification rurale et les zones très reculées et hors réseau peuvent utiliser des solutions d’appoint avec l’énergie solaire photovoltaïque.
Mais, la recherche dans les énergies renouvelables requiert d’énormes financements. Avez-vous suffisamment de moyens pour l’atteinte de vos résultats ?
Vous touchez un aspect important dans la formation et la relève des ressources humaines. Avant la crise de 2010-2011, l’Institut disposait de quelques équipements et matériels qui lui permettaient de mener à bien ses activités. Vous savez que les Universités et Centres de recherche ont été les premiers à être pillés à cette occasion et l’Iren n’a pas été en reste. Nous ne disposons plus de matériels pour travailler, or la recherche dans le domaine des énergies renouvelables nécessite des équipements souvent lourds et chers. Pour contourner cela, nous faisons plus de la recherche fondamentale (étude théorique, modélisation, simulation, etc.) et quand cela est nécessaire, certains chercheurs ou doctorants vont effectuer la partie expérimentale de leurs travaux dans des laboratoires étrangers (Espagne, France ou Maroc) avec qui nous sommes en partenariat.
Le pays s’est engagé dans la politique du mix énergétique. Comment accompagnez-vous cette politique étatique ?
A ce jour, sur les 2250 Mw (mégawatts) de puissance électrique que produit la Côte d’Ivoire, globalement 80 % proviennent des centrales thermiques à fossiles (gaz naturel et pétrole) et 20 % d’hydroélectricité. La part des énergies renouvelables hors hydraulique est donc embryonnaire. L’Iren accompagne l’Etat par ses travaux de recherche dans la mesure où nous disposons de plusieurs laboratoires. Le premier est le laboratoire de l’énergie solaire et de nanotechnologie qui s’occupe des questions relatives aux panneaux et cellules solaires et de l’éolienne : le fonctionnement, LA modélisation et l’optimisation. Le deuxième est le laboratoire d’énergétique nucléaire et de radioprotection. Pour rappel, la physique nucléaire occupait une place importante à l’origine de la création de l’institut en 1980 à l’Université de Cocody alors appelée Université nationale de Côte d’Ivoire. Même si nous ne pouvons pas faire d’énergie nucléaire comme dans les pays développés, nos chercheurs travaillent sur la radio protection, les applications du nucléaire dans les domaines tels que l’agronomie et la médecine. Troisièmement, on a le laboratoire de biomasse-énergie qui traite de la valorisation des résidus agricoles et forestiers, des déchets ménagers, industriels, etc. Ces déchets peuvent servir comme combustibles dans des centrales thermiques pour produire l’électricité. Nous travaillons sur un projet de ce genre dans la localité de Divo. D’autres projets existent à Daoukro, Gagnoa, etc. Le quatrième, le laboratoire d’énergie marine et d’hydroélectricité, lui, permet de mettre en valeur tout ce qui a trait au milieu aquatique. On peut alors utiliser les courants marins et les fleuves et certaines rivières pour produire de l’électricité. Et cinquièmement, le laboratoire d’études environnementales et énergétiques qui s’occupe de l’évaluation des impacts des projets sur l’environnement pour accompagner les ouvrages de l’Etat.
EMELINE PEHE AMANGOUA