Daouda Thiam, À la mémoire d’un honnête homme, bon et bien.

Daouda Thiam, À la mémoire d’un honnête homme, bon et bien.

« Madame Dosso, J’ai pris l’habitude de vous lire, et si je puis me le permettre, en même temps que je vous félicite pour la qualité de vos billets, je voudrais vous faire remarquer que Fraternité Matin gagnerait à faire attention à son contenu. En grande Une, vous avez mis un chiffre (1459, 53 milliards) qui donnerait le tournis même à des milliardaires repus. Quelle cible comptez-vous atteindre avec un titre si ronflant ? À la page 2, la photo dite de famille est tout sauf familiale. Le DG fixe droit devant lui, un sourire satisfait aux lèvres, ceux qui l’encadrent manifestement ne partagent pas sa joie ; les autres membres de la famille ont des regards obliques ou hagards ou encore absents. Ensuite… »

Puis, régulièrement, le lecteur assidu de Fraternité Matin, y allait de sa critique positive du journal. Par mail ou au téléphone. Je me souviens de l’un de ses appels, alors que le temps avait fini par nous rendre familiers : « Oumou, dis-moi, Divo doit être une ville très dangereuse hein ? ». Moi de répondre : « Je ne crois pas que la ville de Divo soit plus dangereuse qu’Abidjan en termes de criminalité. D’où tu tires ça Daouda ? » Et lui de reprendre : « Si, si, si. Divo est une ville hautement criminelle. Un voleur de bidon d’huile par-ci, un autre de fagots par-là, un accident de motocyclette et des bagarres dans des gargotes meublant le tout. Source : Fraternité Matin dans lequel Oumou D. écrit. Le journal est lu par des personnes sérieuses, faites attention à ce que vous y hébergez ! Je t’interpelle souvent Oumou, tout comme je le fais avec ton patron Venance Konan » Ainsi fut le Daouda Thiam qui s’honorait, autant que moi-même, d’être mon ami. Un ami qui m’épatait par sa liberté d’esprit et de parole mais qui savait, toujours, rester courtois.

Il vint me rendre visite un jour au journal. En passant par la salle Houphouët-Boigny où trône un poster d’Amadou Thiam, il marquât une pause comme dans une sorte de recueillement devant l’image de son père qui fut directeur général de Fraternité Matin et ministre de l’Information. Il était visiblement ému. Puis il me parla de sa famille, ses enfants, son épouse, ses frères et sœurs. Il parla surtout de l’éducation que la fratrie avait reçue : une éducation stricte, fondée sur des valeurs. L’homme à la barbe sel-poivre se considérait comme un père comme ses cadets et avait une lecture médiumnique de la vie politique de son pays. Quand je me remémore son analyse de la Côte d’Ivoire en 2020, je ne puis m’empêcher d’avoir mal.

Daouda, avec la lucidité qui l’a toujours caractérisée me disait : « Tout est dans la devise de notre pays. Tout ! Union, discipline, travail. Tant que nous louvoierons avec ces valeurs, je suis prêt à parier ma barbe, nous pataugerons encore et encore dans la boue tenace de la division et de la pauvreté. Le comprendrons-nous à temps ? J’en suis dubitatif ».

Le mardi 30 octobre, j’ai appris que je devrais de contenter désormais des souvenirs de mon ami, perdu de vue depuis pratiquement trois ans à cause d’un mal pernicieux. Daouda Thiam s’en est allé. Une sortie discrète. Comme en ont le secret les honnêtes hommes qui restent toujours debout même dans le sommeil éternel.
Que le Seigneur te soit miséricordieux Daouda Thiam ! Tu as vécu utile.

Oumou Dosso